La radioprotection, ou le nucléaire pour préserver les œuvres anciennes
La radioprotection se sert de radiations pour protéger et consolider des œuvres anciennes avec une efficacité sans précédent.
Avec la radioprotection, le nucléaire se met au service de la préservation du patrimoine culturel mondial. L’irradiation par les rayons gamma est en effet une des techniques de préservation qui a le moins d’effets sur la longévité ou l’authenticité d’une œuvre. Elle est applicable à différents types de matériaux : bois, pierre, cuir, papiers de tous types… Elle permet, non seulement la désinfection de ces objets, mais leur consolidation.
Il est en effet possible d’arrêter les causes de dégradation via cette source radioactive qui endommage l’ADN des organismes nuisibles (insectes, larves, moisissures, bactéries et champignons) et de les neutraliser. Cela ne suppose pas d’opération physique ou chimique sur l’objet lui-même.
La radioprotection permet également, en l’absence d’alternative, de renforcer l’objet. On l’imprègne alors à cœur d’une résine photosensible, qui se durcit (polymérisation) sous irradiation. Cette technique est particulièrement utile pour des objets ayant longtemps séjourné sous l’eau, qui supportent mal d’en sortir.
Une fois le procédé terminé, la radiation disparaît et les œuvres traitées ne deviennent en rien radioactives.
La radioprotection présente plusieurs avantages[1] :
- Tout d’abord, elle permet de se passer des méthodes chimiques peuvent laisser des substances toxiques pour l’homme ou l’environnement sur l’objet traité ;
- De plus, avec ces dernières, souvent les insectes ne sont pas entièrement éradiqués ;
- En outre, elles sont rapides (quelques heures) et bon marché là où les méthodes chimiques sont longues et coûteuses ;
- La radioprotection peut être réalisée sur une pièce entière, les radiations traversant les objets ;
- Enfin la radioprotection permet d’éviter tout risque d’endommager l’objet contrairement aux méthodes physiques.
Cas pratique : les archives nationales de Fontainebleau[2]. En 2015, les Archives nationales de Fontainebleau avaient été massivement contaminées par une moisissure après un dégât des eaux. Cette dernière menaçait pas moins de 56 000 boîtes d’archives et plusieurs dizaines de milliers de plans. Les conservateurs du site ont décidé de recourir à un traitement par rayons gamma pour traiter toutes les pièces contaminées sans avoir à les déplacer – ce qui risquait de les endommager. La même procédure aurait durée 6 ans s’ils avaient décidé de recourir à l’oxyde d’éthylène – un produit par ailleurs classé dans le groupe 1 (les agents cancérogènes pour l’homme) par le Centre international de recherche sur le cancer (OMS). |
La radioprotection a été développée par le CEA dans les années 70 sous le nom de programme Nucléart. Elle a notamment permis de stériliser la momie de Ramsès II en 1977, un vestige de 3 200 ans qui était menacé par des colonies de champignons,ainsi que Khroma, un bébé mammouth vieux de plus de 50 000 ans, découvert congelé en 2009 près de l’océan Arctique en Russie.
Plusieurs pays ont adopté cette technique, notamment le Brésil, la Croatie, la Roumanie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Hongrie, la Tunisie et le Brésil où plus de 20 000 objets du patrimoine culturel national ont pu être restaurés[3].
[1] Uses of Ionizing Radiation for Tangible Cultural Heritage Conservation
[2] Innover pour conserver : Les rayons gamma au service des archives
[3] Bulletin de l’AIEA mars 2017