Les Voix à la COP 26 – Partie 3. Les évènements pro-nucléaires internationaux et l’activisme
Dans les chapitres précédents, nous avons parlé de l’organisation, des réussites et des échecs de la COP26, ainsi que de la visite des Voix dans la zone verte, illustrant les intentions du secteur privé.
Au cours du séjour à Glasgow des Voix, les collaborations entre associations et les différentes activités et actions ne manquèrent pas.
Sachant que l’énergie nucléaire a été isolée et écartée du débat lors des COP précédentes, la coalition Nuclear4Climate a uni ses forces et a fait tout son possible pour que l’énergie nucléaire soit sérieusement envisagée, avec des données et des preuves scientifiques, pour défendre une transition énergétique ayant un impact social et environnemental minimal.
Les événements pro-nucléaires
l’Institut Nucléaire Young Generation Network
Le mardi 2 novembre au soir, l’équipe a pris part à un évènement organisé par l’Institut Nucléaire Young Generation Network (NI-YGN) appelé « Together is better : COP26 Climate NGO Networking event ». C’était un apéro entre des membres et associations du nLe Mardi 2 novembre au soir, l’équipe a pris part à un évènement organisé par l’Institut Nucléaire Young Generation Network (NI-YGN) appelé « Together is better : COP26 Climate NGO Networking event ». C’était un apéro entre des membres et associations du nucléaire venus à Glasgow, mais qui était aussi ouvert aux curieux (en particulier ceux provenant du “camp” des renouvelables) voulant en apprendre un peu plus sur l’écosystème pro-nucléaire. La soirée fut ouverte par Eric G. Meyer, fondateur et président de Generation Atomic, qui a endossé le rôle de présentateur et nous a souhaité la bienvenue par un chanson très réussie. Il est connu pour ses chansons pro-nucléaires sur YouTube (à voir ici et là), dont quelques-unes ont été chantées lors des Stand Ups for Nuclear à Lyon et Paris.
Il y eut ensuite une série de discours de plusieurs membres de diverses associations, parmi les nôtres on a pu compter sur les interventions de Jadwiga, Myrto et Ana. A cette occasion, Emilia Janisz, responsable des relations extérieures à la European Nuclear Society avec Jadwiga Najder, présidente du réseau Young Generation Network de la même societé et membre actif des Voix du Nucléaire, ont fait entendre leurs revendications. Étant toutes deux polonaises, leurs discours étaient orientés vers la sortie du charbon de Pologne avec l’aide d’un développement en énergie nucléaire. Ana, pour sa part, a sousligné qu’en choisissant le nucléaire, elle choisissait la science et la recherche, et qu’à ce titre, elle dénonçait le fait que l’industrie fossile profite des faiblesses des énergies renouvelables (intermittence exigeant l’adossement à des capacités pilotables) dans le seul but de faire de l’argent au lieu de réduire les émissions.
L’équipe YGN avait choisi cette année comme symbole un grand “gummi bär” (ourson en gelatine, friandise bien aimée en Allemagne), qui faisait allusion au fait qu’une pastille de combustible nucléaire de cette taille équivaut à 1 tonne de charbon, ou 565 litres de gaz – une comparaison similaire à celle des Voix avec la sucette.
Third Way
L’équipe a également eu le privilège d’assister à un événement organisé par Third Way, un think tank américain se qualifiant de “centre-gauche” éco-moderniste, qui défend des valeurs de liberté et d’opportunité traditionnelles des États-Unis et qui affiche un objectif clair de réinvention des idées et de mobilisations politiques et sociales. Ce think tank a aussi la particularité d’être pro-nucléaire. Depuis quelque temps, il a ouvert une branche européenne de Carbon-Free Europe, une initiative politique pour promouvoir l’idée que la solution du changement climatique passe avant tout par le progrès technique et scientifique.
La soirée a réuni des gens du Département de l’énergie américain, des commerciaux de TerraPower, des entreprises de communication, des fondations comme Breakthrough Energy (fondée par Bill Gates en 2015), des représentants de l’entreprise X-Energy, spécialisée dans la recherche sur les réacteurs à haute température refroidis au gaz ou encore des représentants de banques, et de fonds d’investissements verts comme le Impact Investing Institute.
L’objectif de Carbon-Free Europe est de réunir les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire et toute technologie susceptible de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique tout en maintenant le niveau de bien-être actuel des sociétés les plus avancés. Nous ne pouvons qu’être sur la même ligne.
New Nuclear Watch Institute
Le dernier soir à Glasgow, l’équipe des Voix a assisté à un événement organisé par le New Nuclear Watch Institute, un think tank de l’industrie nucléaire axé sur le développement international de l’énergie nucléaire comme moyen pour les pays de garantir leur approvisionnement à long terme d’énergie durable. On a pu y rencontrer non seulement les jeunes du YGN, mais aussi plusieurs personnalités importantes du monde nucléaire, telle que Sama Bilbao y Leon, directrice de la World Nuclear Association (et nouveau membre du Conseil d’Administration des Voix), Tom Samson, directeur général de la division SMR de Rolls Royce, Valérie Faudon, vice-présidente de la European Nuclear Society, et le président de l’Association Canadienne Nucléaire, John Macquarrie.
L’activisme dans la rue
Le mercredi 3 novembre, l’équipe est partie le matin pour s’entraîner pour le flashmob de l’après-midi rue Buchanan, un véritable « Bouge ton nuc » en plein centre de Glasgow. NI-YGN avait organisé cette activité en collaboration avec un groupe de danseurs professionnels qui soutiennent le nucléaire – ce sont eux qui dans la vidéo sur You Tube (voir lien ci-dessous) dansent jusqu’à la minute 3:10, après quoi les autres activistes rejoignent la chorégraphie. Toutefois, parmi les danseurs, le jeune qui fait du breakdance n’est pas un danseur professionnel, mais bien un ingénieur nucléaire de notre équipe qui travaille au Royaume Uni, Eduardo Cuoc !
À la fin du flashmob, pas mal de badauds se sont approchés des activistes pour apporter leur soutien et applaudir le spectacle. Aussi surprenant que ce soit, nous n’avons pas rencontré de détracteurs ou de situations tendues. Les retraités de l’industrie nucléaire étaient émus en découvrant ces nouvelles générations qui luttent pour le nucléaire comme source d’énergie bas-carbone.
La journée s’est prolongé par des discussions sur le nucléaire avec les gens dans la rue. Nos activistes ont porté le Gummi Bär avec les banderoles ; Myrto est partie à la blue zone avec Jadwiga et les autres. Dans le George Square, deux étudiantes journalistes ont voulu nous interviewer pour avoir le point de vue des pro-nucléaires. Mais parmi les passants il y avait aussi des anti-nucléaires. Un allemand s’est approché et nous a signifié que ce que nous faisions était “très mal”, mais il est parti sans vouloir en débattre. Nous avons pu constater que la question du nucléaire est assez controversée et suscite des sentiments forts parmi les citoyens.
Les manifestations
Le vendredi 5 novembre était LE JOUR de la revendication, avec la marche « Fridays for Future » de la COP26. Les mesures de sécurité étaient énormes, et il y avait des dizaines de journalistes et des centaines de policiers partout. Le groupe de Nuclear4Climate s’est retrouvé au début de la manifestation, bien placé face aux différents médias. Les ours polaires avec leurs panneaux furent sans aucun doute les stars de la marche. Tout le monde voulait une photo avec eux.
Pendant la marche, on a pu parler avec des gens pro-nucléaires et anti-nucléaires. Il y eut un moment particulièrement tendu au cours de la manifestation quand un manifestant a arraché de force le drapeau rose avec le slogan “le nucléaire sauve des vies” d’Ana ainsi que ses flyers des Voix. Il s’est retourné et s’est montré particulièrement agressif avec elle et lui a dit « Tu veux te battre ? Le nucléaire tue beaucoup de personnes dans les mines d’Afrique ». Elle a essayé de le raisonner en demandant quelles étaient ses sources et en lui disant qu’il ne convaincra jamais personne avec une attitude aussi agressive. Un jeune italien est intervenu pour la défendre et l’individu a voulu se battre avec lui ; heureusement, il n’y a pas eu de violence et l’altercation en est resté là. Ana a même fini par récupérer le drapeau et ses flyers.
On a eu la surprise de constater que plusieurs photos où nos pancartes sont lisibles ont été reprises et diffusées par les médias sur les réseaux sociaux, notamment France Info et CNN en espagnol. Pendant la manif, on a eu l’occasion de donner quelques interviews. Daniel a parlé à des médias chinois, Silviu s’est entretenu avec une journaliste de l’AFP, Myrto aussi est intervenue auprès de l’AFP et d’autres agences de presse, et Ana a surtout parlé avec plusieurs manifestants.
Conclusion
Pour les Voix, se rendre à la COP nous a permis de découvrir le fonctionnement des négociations internationales ainsi que leurs défauts, en premier lieu un tabou sur les efforts réels nécessaires à consentir par la société pour freiner le réchauffement climatique, et évidemment des tabous sur le sujet du nucléaire.
Pour autant, une telle opportunité de coordination et de coopération entre les différents acteurs du changement apparait comme le minimum de l’ambition que nous devons avoir pour garantir à l’humanité de pouvoir continuer à vivre sur la planète.
Nous avons d’ailleurs noté l’absence d’une vraie culture du changement. Il y a débat sur l’effort qu’il faudra pour maintenir nos niveaux de vie actuels grâce à des technologies du futur qui remplaceraient complètement les combustibles fossiles. Les COP doivent prendre la comédie satirique « Don’t Look Up » comme un contre-exemple absolu à l’avenir, en matière de cynisme et de déni. À Glasgow, l’exclusion du nucléaire de la zone verte, parmi d’autres éléments, souligne ce manque de vision.
A l’image des critiques de Greta : la COP apparaît en effet trop souvent comme un festival du greenwashing. En revanche, la filière nucléaire semble avoir pris conscience de l’importance de l’activisme émanant de la société civile pour le futur de l’industrie nucléaire dans le monde. Quant aux médias, ils considèrent de plus en plus cette technologie comme une des solutions au défi du changement climatique. La mode est maintenant aux SMR, au moins pour l’Occident, du fait de sa plus grande acceptation par le grand public. Une acceptation qui nécessite encore d’être suivie par des démonstrations à l’échelle industrielle.
Un motif de déception est qu’on n’a pas parlé à Glasgow des réacteurs de Génération IV qui constituent pourtant, au même titre que les SMR, l’avenir de la filière. Nous devons diriger nos efforts pédagogiques vers le grand public, où les idées antinucléaires persistantes émanent encore souvent de la réalité de l’industrie nucléaire des années 1960-1980.
En conclusion, notre présence dans les manifestations a permis de gagner en visibilité dans les médias : la curiosité des citoyens est facilement suscitée face à des gens de tous les âges aussi « décomplexés » et pédagogues au sujet du nucléaire. La présence des Voix et des autres associations comme NI-YGN a permis de se faire connaître au monde et consolider des liens entre nous.
Il y a encore beaucoup de travail sur l’information et sur la coopération au sein de la filière. Renforcer les relations avec les associations pro-nucléaires étrangères est également indispensable. La prochaine COP aura lieu en Egypte, à Sharm El Sheikh, en 2022. Mettons-nous au travail et commençons dès maintenant à la préparer !