Les Voix à la COP 26 – Partie 1. Enjeux, organisation, succès et échecs

La rentrée était chargée pour les Voix, avec le Stand Up for Nuclear à Bruxelles, Belgique,  suivi du Stand Up à Lyon appelé cette année Fe(a)îtes du Nucléaire, le 25 septembre, et le Stand Up for Nuclear à Paris le 9 octobre. Ces événements ont coïncidé avec une hausse des prix du gaz depuis le début de l’automne, provoquant une explosion des factures d’électricité, qui a contribué à ouvrir les esprits pour reconsidérer le nucléaire comme acteur nécessaire à la transition énergétique. Ce sont les derniers mois pour l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne et 11 pays membres de l’UE s dont la France, la Finlande ou les Pays-Bas, ont donné leur accord pour cette inclusion, suivi des annonces pour relancer le nucléaire en France, au Royaume-Uni, et en Chine.

Et, pour bien commencer le mois de novembre, les Voix, pour la première fois, ont participé à l’UN Conference Of Parties (COP). La COP est le mécanisme mis en place par l’ONU pour coordonner la réponse collective au défi du changement climatique, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également d’adaptation, tout en recherchant une juste répartition des efforts. 25 COP ont déjà eu lieu et alors que la 26e s’achevait, les émissions continuaient de monter sans inflexion notable.

Cinq membres des Voix ont formé la délégation : Myrto Tripathi et Silviu Herchi du bureau des Voix, ainsi que les très actifs Daniel Perez, Ana Otero et Jadwiga Najder, pour représenter l’association pendant la première semaine de la COP. La décision d’envoyer cette délégation à Glasgow répond aux besoins de préparer la participation des Voix à la prochaine édition, développer notre réseau international, et partager en interne des Voix la prise de conscience  que c’est sur les négociations sur le climat que repose l’avenir de la planète. Quelques jours intenses, dans l’ombre du Covid, remplis d’anecdotes improbables, de personnalités passionnées, de militants hystériques, de journalistes avides ou perdus, de businessmen experts en marketing vert (pour ne pas dire greenwashing), d’employés démunis face à nos questions (im)pertinentes; mais aussi l’occasion de rencontrer nos amis du mouvement pro-nucléaire mondial, parmi eux les coordinateurs stars de tout ce petit monde, qui ont fini l’exercice épuisés, du Nuclear Young Generation Network UK (NI-YGN).

Dans cette première partie d’un texte sur la COP26 qui sera publié en trois parties, on va rappeler  ce qu’est la COP, comment cela fonctionne, et expliquer ce qui a été réalisé pendant cette édition.

 

Mais … Qu’est-ce que la COP ?

L’UNFCCC, sigle anglais de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a été mise en place en 1992, suite au Sommet de la Terre de Rio. Elle regroupe la quasi intégralité des pays de la planète. La COP, « Conference of Parties », est l’organe de décision suprême de la Convention au sein de laquelle tous les États qui sont parties à la Convention sont représentés. Au cours de la Conférence, ils examinent la mise en œuvre de la Convention et de tous les autres instruments juridiques que la COP adopte, et prennent les décisions nécessaires pour promouvoir la mise en œuvre effective de la Convention.

Lors de la COP, chaque pays participe en soumettant ses inventaires d’émissions. Sur la base de cette soumission, la COP  prend les décisions de gouvernance internationale censées améliorer notre réponse collective, qu’elle soit d’adaptation, de mitigation ou de rééquilibrage (justice climatique). Au total, 197 pays ont accepté d’appliquer les décisions prises par l’UNFCCC. Sans surprise, ces engagements n’ont encore jamais été contraignants. Elles consistent généralement à réclamer ou promettre la baisse des émissions de gaz à effet de serre sans offrir d’alternative crédible : ni nucléaire, ni hydro, mais de l’efficacité, de la sobriété et des technologies incapables de se substituer au service rendu par les combustibles fossiles…. et rien, ou pas grand-chose, ne se passe.

Cette année, c’est le membre du parlement britannique Alok Sharma qui présidait la COP.  Il a été impliqué dans les cérémonies d’ouverture et de clôture, en gérant l’ordre des intervenants. Mais la fonction la plus important du président de la COP est d’en assurer la direction politique : de servir de facilitateur entre les parties aux négociations, effectuer des consultations sur les enjeux, faire avancer les négociations, donner le ton pour l’année qui suit, et orienter les efforts de la communauté internationale vers la réalisation des objectifs de la UNFCCC.

 

L’organisation

La COP26 a duré deux semaines, du 31 octobre au 12 novembre. Les discussions se déroulaient au Scottish Event Campus, un espace qui comprend cinq salles de conférence. Au cours de la COP 26, environ 30 000 représentants de différents pays étaient attendus, parmi lesquels des parties prenantes telles que des décideurs politiques, des investisseurs dans le domaine du changement climatique, des scientifiques, des négociateurs et des militants. Parmi eux, une soixantaine de militants de Nuclear For Climate, une fédération mondiale d’associations pronucléaires, dont nous 5. C’est dire à quel point notre capacité à nous coordonner et notre visibilité sont importantes.

Nuclear For Climate avait passé des mois à préparer ses activités pour les deux semaines de la COP. Cette année, toucher l’opinion publique était déterminant pour l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne. Les associations s’étaient réunies pour monter pour la première fois leur propre stand en plein cœur de la COP. Ce stand était organisé par la Canadian Nuclear Association, Belgian Nuclear Society, FORATOM, l’American Nuclear Society et sa partie latinoaméricaine LAS-ANC, le Japan Atomic Industrial Forum et l’International Youth Nuclear Congress (IYNC), et animé par d’autres associations d’activisme civil comme Voices of Nuclear, IN Young Generation Network et Women In Nuclear.

En plus du stand, ces derniers se sont organisés pour assister à différents événements de la zone bleue – la zone des délégués officiels – afin de soumettre des questions aux orateurs pour que la question de l’énergie nucléaire soit présente dans le débat. Ils ont par ailleurs organisé différentes activités adressées aux représentants et aux médias, comme un flashmob dans les rues, un grand panneau publicitaire pour soulever le rôle que l’énergie nucléaire peut jouer dans l’électrification des transports ou la mise en place d’une publicité sur l’un des bus traversant le centre de Glasgow avec le hashtag #NetZeroNeedsNuclear. On en parlera plus en détail sur ces activités dans la seconde partie de ce compte rendu.

La Conférence des Parties a été divisée physiquement en deux zones : la « zone bleue », réservée aux délégués des pays, les ONG admises par l’ONU, institutions et PDGs ; et la « zone verte », où les entreprises et les ONG pouvaient avoir un stand. Dans chaque zone, il y avait tous les jours des événements, conférences, projections, débats etc. Plus particulièrement, dans la zone bleue il y avait des stands montés par  chaque pays membre, d’institutions diverses et, en plus, des espaces de négociations. C’est dans ces espaces où les délégués nationaux travaillent sur un accord global que les pays devront approuver à l’unanimité pour – avec un peu de chance – annoncer de nouvelles mesures pour limiter le réchauffement climatique.

Pour expliquer un peu le fonctionnement de ce grand rendez-vous “vert”, avant chaque réunion de la COP, les parties décident les principales questions qui doivent être négociées. Les premiers jours de la COP26, quelque 120 chefs d’Etat avec leurs représentants se sont rendus à la conférence illustrant parfaitement ce que Greta Thunberg visait quand elle parlait de “blablabla” pour diminuer le changement climatique. Après le départ des chefs d’Etat, les choses sérieuses ont commencé : les délégations des pays, accompagnées normalement par leurs ministres de l’environnement, ont démarré les négociations et les échanges d’idées pour adopter leurs politiques climatiques et prendre de nouveaux engagements. Ces interactions sont fondées sur des discussions qu’ont eu lieu des mois avant la COP, sur des documents d’orientation et des propositions préparés par les chefs d’Etat, le personnel des Nations Unies et les experts scientifiques. Les négociations se sont focalisés sur 3 objectifs principales :

  • Garantir un niveau net zéro d’émissions GES au niveau mondial d’ici le milieu du siècle, et maintenir un réchauffement maximum de 1,5º C : Présentation des plans ambitieux de chaque pays pour réduire leurs émissions.
  • S’adapter pour protéger les communautés et les habitats naturels.
  • Mobiliser des fonds. Dans le cadre de l’Accord de Paris, les pays développés se sont engagés à dépenser 100 milliards de dollars pour financer l’adaptation au climat et la réduction des émissions.

Les succès et les échecs de la COP

Comme d’habitude à chaque conférence, des accords majeurs étaient attendus, surtout à propos des nouveaux objectifs pour 2030. Les accords de Paris avaient en effet fixé des objectifs de réduction de gaz à effet de serre trop faibles pour limiter le réchauffement de la planète à 1.5º C.

Le pacte climatique de Glasgow fait référence au charbon pour la première fois dans le processus de l’ONU (vous avez bien lu, pour la première fois !). Il demande aux pays de revenir avec des plans climatiques plus solides en 2022. Et il organise la mise en œuvre des éléments les plus controversés du règlement de l’accord de Paris, six ans après la conclusion de cet accord historique.

Mais parmi les plus gros échecs de cette COP figure le manque d’un plan financier destiné à répondre aux demandes de réparations climatiques – espéré par les pays en développement – ainsi que le refus d’affecter une partie des recettes du commerce du carbone au financement de l’adaptation au changement climatique. Les États-Unis, l’Union Européenne et d’autres pays riches ont rejeté la proposition de création d’un tel mécanisme de financement destiné à aider les victimes de la crise climatique. L’accord reconnaît l’importance des pertes et dommages et accepte de renforcer l’assistance technique aux pays touchés. Mais au lieu de convenir d’un financement spécifique, il appelle à davantage de dialogue, ce qui signifie qu’un fonds réel pourrait ne pas voir le jour avant plusieurs années, si tant est qu’il voie le jour. Il convient de rappeler qu’en 2009 il y avait déjà des appels à aller en ce sens : les pays riches avaient promis de verser 100 milliards de dollars par an de 2009 à 2020 pour aider les pays en développement, un objectif qui n’a jamais été atteint.

D’un autre côté, le mot « urgence » a été retiré du pacte climatique de Glasgow, et on relève des changements de vocabulaire, comme de « phase out » (sortir) à « phase down » (réduire progressivement) concernant les combustibles fossiles. Les experts expriment leur inquiétude qu’un vocabulaire vague et trop tolérant incite les nations et les entreprises à continuer à émettre comme d’habitude, en particulier les nations riches et les grandes entreprises qui peuvent se permettre des efforts de compensation plus ambitieux.

Néanmoins, un accord a été atteint mettant fin d’ici au 31 décembre 2022 aux financements de projets d’exploitation d’énergies fossiles à l’étranger sans techniques de capture de carbone (CCS). La France et l’Espagne, entre autres, sont signataires de cet accord. Cependant, il ne s’agit que de mettre fin aux subventions publiques. Les banques continueront donc à pouvoir subventionner les énergies fossiles.

Les annonces de l’Inde de son intention de mettre fin aux émissions à l’horizon 2070 et les accords pour réduire les émissions de méthane ont conduit l’Agence Internationale de l’Énergie à avertir que ces engagements mèneraient probablement à un réchauffement de 1,8º C. Selon le Climate Action Tracker, les politiques actuelles placent le monde sur la voie d’un réchauffement de 2,7° C.

Il faut noter que les échecs de la COP26 ne sont pas uniquement imputables à l’incompétence de nos représentants. Le Energy Charter Treaty fait également peser une menace grave sur les gouvernements qui voudraient faire une croix sur les énergies fossiles : celle d’une cascade de procès de plusieurs millions de dollars intentés par les entreprises fossiles au motif d’importantes pertes de profits du fait de leurs engagements environnementaux.