Suite au coup d’Etat au Niger et alors que la situation est toujours instable, nos pensées vont vers la population nigérienne.
Quid de l’uranium ? Si ce coup de force aura très probablement des conséquences négatives sur l’économie en croissance du pays qui attire ces dernières années de nombreux investisseurs, il n’aura pas d’impact sur l’approvisionnement en uranium.
Le Niger n’est plus actuellement que le 7ème pays producteur, et en 2022 sa production de 2020 tonnes d’uranium a représenté 4% du total annuel mondial.
Depuis la fermeture de la mine souterraine de la Cominak, la production d’uranium du Niger est assurée uniquement par la mine à ciel ouvert de la Somaïr à Arlit, dans le nord du pays. Une société canadienne s’apprête par ailleurs à démarrer l’exploitation du gisement de Dasa, proche du massif de l’Aïr.
Les affaires courantes vont se poursuivre, et rien n’indique à ce stade que les activités minières actuelles seraient fortement perturbées par la crise politique en cours.
Même en cas de rupture temporaire ou définitive de la production d’uranium, cette crise n’aurait rien à voir avec ce qui passe avec le pétrole, le gaz, ou certains métaux critiques dans ce type de situation :
– Les réacteurs nucléaires sont rechargés tous les 12 à 18 mois en utilisant des assemblages fabriqués en aval de l’apport d’uranium naturel de plusieurs mois voire années. Le marché spot de l’uranium réagit, mais il n’y a pas d’impact sur l’approvisionnement en combustible nucléaire.
– La plupart des pays exploitant des réacteurs nucléaires ont des stocks d’uranium pour 5 ans.
– Du fait des prix bas de l’uranium depuis des années et d’un marché longtemps en surcapacité, de nombreux projets miniers dans le monde sont encore sous cocon, attendant la montée de la demande et le signal prix pour se mettre dans la file d’attente de démarrage par merit order.
– Pour le cas de la France, les actifs miniers d’Orano et l’approvisionnement d’EDF sont diversifiés. Sur la période 2015 à 2020 on trouve 6 producteurs principaux dans les importations françaises : Australie, Kazakhstan, Namibie, Canada, Niger, Ouzbékistan, et une part plus faible d’autres pays.
– Le prix de l’uranium ne représente que quelques pourcents dans celui du MWh, contre 50 à 70% dans le cas du gaz par exemple. Un prix de l’uranium qui double n’ajoute qu’environ 2€/MWh.
– La France a plus d’une dizaine d’années de combustible existant ou potentiel sur son territoire (2-3 ans dans le cycle amont, 7-8 ans dans les stocks d’uranium appauvri, plus l’uranium de retraitement) contre environ 100 jours pour le pétrole et le gaz.
– A long terme, les technologies nucléaires du cycle du combustible comme de génération d’éléctricité présentes et à venir sont nombreuses et diversifiées, et ouvrent une multitude de stratégies de diversification.
Comme on voit beaucoup de propos qui instrumentalisent le coup d’État au Niger sur le thème du « modèle français tout nucléaire dépendant des importations d’uranium« , un complément sur le sujet :
Tout d’abord le « tout nucléaire » n’existe pas. Le mix énergétique français repose pour les deux tiers sur les énergies fossiles, et c’est là que se situe la vulnérabilité énergétique.
L’énergie nucléaire et les énergies renouvelables réduisent cette vulnérabilité. Militer contre le nucléaire, c’est militer pour accroître nos dépendances.
A ce jour la situation au Niger n’affecte pas la production d’uranium.
A terme si les frontières du Niger restent fermées totalement ou partiellement pendant une période prolongée, la perturbation des chaînes logistiques finira par impacter cette production. Mais ce sera alors le cas pour l’ensemble des activités industrielles et une partie des activités économiques du pays.
Et le cas échéant, cette perturbation n’aurait pas de conséquences sur l’approvisionnement français en combustible nucléaire ; le marché est mondial, les stocks importants, l’uranium n’est pas une ressource en flux tendu, ni un monopole du Niger (producteur actuellement secondaire).
Enfin cette focalisation est trompeuse puisqu’elle laisse entendre que l’approvisionnement en matières premières ne concerne pas les énergies renouvelables.
Or tous les métaux nécessaires à la construction des infrastructures des énergies renouvelables sont aujourd’hui importés, en quantités bien supérieures à l’uranium, avec des vulnérabilités beaucoup plus fortes aux soubresauts du marché, bien plus volatiles (en attestent les annulations récentes de parcs éoliens ou les renégociations de prix) ou stratégiques (cf. les restrictions de la Chine sur des constituants de panneaux photovoltaïques).
Et nous avons besoin des deux, énergies nucléaire et renouvelables, pour nous affranchir des énergies fossiles.