Mix énergétique et qualité de l'airÀ l’occasion de la journée internationale de l’air pur, Les Voix mettent en lumière le lien entre politique énergétique et qualité de l’air ambiant.
Les applications de l'énergie nucléaire
Mix énergétique et qualité de l'air
Au lendemain de la Journée nationale de la qualité de l'air, et alors que des événements se déroulent tout ce mois d'octobre, les Voix ont tenu à mettre en lumière le lien entre notre politique énergétique et la qualité de l’air ambiant. Le choix de ce thème permet de rappeler qu’en plus d’être une composante clé d’un mix énergétique bas-carbone garantissant notre indépendance énergétique, le nucléaire est une alternative aux énergies polluantes telles que le fossile et la biomasse permettant par conséquent d’améliorer considérable la qualité de l’air et donc la santé publique.
Pour rappel, la combustion de ressources fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) ou de biomasse (bois, charbon de bois, agrocarburants, biogaz…) sont, entre autres, à l’origine de l’émission d’oxydes de carbone, de soufre et d’azote, précurseur de l’ozone dans la basse atmosphère. Les particules fines issues principalement de la combustion de biomasse et de fossile, trop légères pour retomber au sol, restent en suspension dans l’air et pénètrent nos cellules et les organes de notre corps : poumons, cœur, sang, cerveau.
Les impacts sur la santé humaine sont alarmants : asthme, accidents cardiovasculaires, crises cardiaques, cancer et démence et, dans de nombreux cas, le décès. (Source : Clean Air Fund). Dans le monde, cela représente près de 7 millions de décès prématurés directement liés à la pollution atmosphérique intérieure et ambiante.
D’autre part, la pollution atmosphérique à travers le monde impacte grandement notre économie et l’augmentation de la concentration de polluants dans l’air est corrélée à une baisse importante du PIB mondial. Entre les coûts liés directement aux frais de santé engendrés par les maladies causées par la pollution de l’air, les pertes économiques dues à une baisse de productivité des travailleurs et l’impact des polluants atmosphériques sur les rendements agricoles (« 1 milliard d'euros de rendements en blé perdus en 2019 en raison de l'ozone troposphérique » selon le conseil de l’EU) la pollution atmosphérique pèse sur l’économie mondiale. En conséquence, l’OCDE prévoit une contraction de l’économie mondiale de près d’1% par an d’ici à 2060.
L’Organisation mondiale de la Santé considère la pollution atmosphérique comme étant« la plus grande menace environnementale pour la santé et l’une des causes principales de maladies non transmissibles ». Devant ce constat, l’OMS a, en 2021, mis à jour ses lignes directrices sur la qualité de l’air, abaissant la quasi-totalité des seuils de références de concentration des différents polluants dans l'air ambiant.
L’UE a réagi à la mise à jour par le lancement d’un processus de réforme du cadre législatif européen sur la qualité de l’air. En 2022, la Commission européenne présentait une position pour une directive sur la qualité de l’air ambiant, dont la dernière version a été votée par le Parlement européen en assemblée plénière en avril dernier.
Ce nouveau texte, dont les traductions dans les différentes langues officielles européennes doivent encore être votées, impose des niveaux de pollution plus stricts et se rapprochant des lignes directrices de l’OMS (sans pour autant les atteindre) et renforce les dispositions liées à la surveillance de la qualité de l’air ambiant (via notamment la multiplication des points de prélèvement) permettant notamment accès à des données de qualité de l’air de plus en plus précises.
Cependant, cette directive, par sa nature, ne peut que donner aux États européens un objectif global sur les taux de concentration des différents polluants dans l’air ambiant, ces derniers restent souverains quant à l’adoption des politiques nationales pour y parvenir.
Or la question du mix énergétique est prépondérante pour atteindre ces nouveaux standards de qualité de l’air. Entre les transports routiers, la consommation et l'approvisionnement énergétique, notre besoin en énergie représente une source majeure de pollution atmosphérique.
Il est donc à propos d’étudier en détail l’impact de nos choix de mix énergétique sur la qualité de l’air et notamment des conséquences inattendues de l’augmentation de la part de renouvelable dans le mix électrique. C’est pourquoi nous avons choisi de demander à Mr Jean Pierre Riou, auteur du blog Le Mont Champot, de participer à la rédaction de cette newsletter. Celle-ci se base sur un article écrit pour le blog que vous pouvez retrouver ici.
À propos de l'auteur Jean Pierre Riou, Chroniqueur indépendant sur l'énergie, notamment dans European Scientist, Le monde de l'énergie, Economie Matin, Atlantico, Contrepoints. Membre du bureau "énergie" du collectif Science Technologies Actions.
Auteur du blog "Le Mont Champot"
Le nucléaire, c’est bon pour la santé !
Selon le Conseil européen [1], les normes environnementales doivent être durcies pour respecter les dernières lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Malgré une diminution drastique des polluants depuis 1990, les émissions liées à l’activité humaine seraient encore responsables de 300 000 décès prématurés en Europe chaque année. De nouvelles normes, actuellement à l’étude, doivent rapidement entrer en vigueur pour respecter les lignes directrices de l’OMS. Les particules fines PM2,5 sont considérées comme les plus dangereuses.
Figure 1: Morts prématurées de 2005 à 2020 dans l'EU-27 attribuable à la concentration de particules fines au-dessus des lignes directrice de l'OMS et l'objectif européen "zéro pollution"
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I - Renouvelable et qualité de l’air
Cette préoccupation sanitaire conforte la politique européenne de sortie des énergies fossiles et de leur remplacement par l’électrification des usages. Pour autant, elle pose la question du bien fondé du concept même d’énergie renouvelable (EnR). En effet, le chauffage individuel au bois est la première source d’EnR en France, devant l’hydraulique et l’éolien. Or celui-ci se trouve être également la principale source d’émission de particules fines, PM2,5 et PM10, devant l’industrie ou les transports. Plusieurs organismes de santé avaient d’ailleurs alerté le Parlement européen sur ce scandale sanitaire avant l’adoption, le 14 septembre 2022, d’une proposition de directive sur le sujet, destinée à modifier la directive de 2018 et abroger celle de 2015.
Figure 2 :Contribution par secteur aux concentrations annuelles de fond de PM10
Contrairement à une idée répandue, certaines études [2] montrent que la biomasse émet davantage de polluants que le charbon et son utilisation n’est pas neutre en carbone, comme le rappelle le Citepa, organisme officiel chargé de l’inventaire des émissions françaises. Cette idée fausse provenant du fait que ses émissions sont comptabilisées dans le secteur de l’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêts (UTCAFT) et non celui de la consommation d’énergie, où elles sont considérées nulles pour ne pas être comptabilisées 2 fois. Pour autant, la directive d’octobre 2023 stipule que l’utilisation de la biomasse ligneuse doit en permettre la plus haute valeur ajoutée et qu’il ne faut recourir à sa combustion que « Lorsque plus aucune utilisation de la biomasse ligneuse n’est économiquement viable ».
II - La pollution cachée l’intermittence
Les centrales thermiques sont conçues pour fonctionner en régime optimum, et les régimes partiels et à-coups de fonctionnement que leur imposent les cycles de production photovoltaïque ou les aléas de l’éolien dégradent leurs facteurs d’émission. C’est la raison pour laquelle l’énergéticien Duke Energy a dû demander un assouplissement des normes environnementales en raison des à-coups de fonctionnement imposés à ses centrales à gaz par les cycles de production solaire.
En effet, si la combustion du gaz naturel (CH4) au contact de l’oxygène (O2) entraîne la formation de CO2 + H2O, les oxydes d’azote (NOx) : monoxyde d’azote (NO) et dioxyde d’azote (NO2) sont présents dans tous les processus de combustion des énergies fossiles, en raison de la présence d’azote (N) dans l’air. Et les données chiffrées de Duke Energy mettaient en évidence leur nette augmentation liée aux régimes partiels imposés à ses centrales à gaz. Or le dioxyde d’azote peut réduire la fonction pulmonaire et aggraver les symptômes de l’asthme.
La sénatrice Loisier avait d’ailleurs demandé au ministère quelle étude de terrain aurait cherché à valider les calculs théoriques de RTE sur les émissions évitées grâce aux EnR, sans que celui-ci puisse en citer une seule, alors que tout énergéticien sait bien qu’il en va de même que pour une voiture qui freine et accélère constamment au lieu de conserver un régime optimum permanent.
Figure 3 : Illustration de l'intermittence du solaire et de l'éolien, comparée à la production nucléaire
En 2022, EDF publiait une étude sur le cycle de vie du nucléaire français. Celle-ci, qui prend en compte la totalité des émissions, depuis la construction et le minage de l’uranium jusqu’au démantèlement et la gestion des déchets, mettait en évidence le chiffre de 3,7 grammes d’équivalent CO2 pour une exploitation de 40 ans. Et moins encore en cas de prolongation des réacteurs. Mais ce n'est pas cette performance climatique, aussi exceptionnelle soit-elle, qui nous intéresse ici.
Cette étude d’EDF met également en évidence le peu d’impact du parc nucléaire sur l’émission de particules (point 9.2.3 de l'étude), l’eutrophisation des terres, des milieux aquatiques ou l’épuisement des ressources.
L'énergie nucléaire a prouvé son absence quasi-totale d’émissions, autre que la vapeur d’eau, ce qui en fait une source d'énergie parfaitement respectueuse de la qualité de l'air, tout en étant pilotable, qualité essentielle au fonctionnement du réseau électrique.
IV - Une pollution venue d’ailleurs
La France a déjà été condamnée pour le dépassement de ses objectifs en termes de particules fines, alors qu’elle respectait leur plafond d’émission, mais pas celui du contrôle de leur concentration dans l’air. Pour l’OMS, les expositions aigües aux PM10 ne doivent pas dépasser le seuil de 50 µg/m3. Il s’avère que l’origine allemande de ces dépassements a formellement été identifiée par le programme européen Copernicus, notamment à Paris le 2 mars 2023, où 4,03 µg/m3 provenaient de Paris même, 4,53 µg/m3 du reste de la France et 16,33 µg/m3 d’Allemagne.
Figure 4 : Pollution des centrales à charbon se propageant à travers l'Europe (2013)
Le site de l’Institut Fraunhofer permet de comptabiliser avec précision les centaines de kilos d’arsenic émis chaque année par les centrales au lignite allemandes, ainsi que leurs tonnes de plomb, de cuivre, de nickel, de mercure ou de zinc relâchés dans la nature au gré des vents.
V - Applications non électriques du nucléaire
Alors que les atouts du nucléaire sont bien identifiés pour la production d'électricité, il reste des usages non électriques, ou mobiles, pour lesquels une substitution des énergies fossiles polluantes est nécessaire. En 2021, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Nuclear energy agency (NEA) avaient dressé un bilan des perspectives à long terme montrant la pertinence des applications non électriques du nucléaire, notamment sous forme de cogénération, pour le chauffage urbain, le dessalement d’eau de mer, la chaleur industrielle, l’hydrogène ou la propulsion.
Ce rapport s’interrogeait : « Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Examinent-ils sérieusement toutes les options nucléaires dans le cadre de leur politique énergétique nationale en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la sécurité d’approvisionnement en énergie ? ». Nous pouvons clairement ajouter « dans le cadre de l’enjeu sanitaire » !
VI - Conclusion
Alors que le charbon est encore, en 2024, la première source de production d'électricité, l'enjeu sanitaire exige la priorité absolue d’une sortie du charbon.
Par son absence d'émissions de produits de combustion, le nucléaire offre une alternative sûre, propre et pilotable, avec des perspectives de nouvelles applications, au-delà de la production électrique, afin de remplacer progressivement les énergies émettrices de polluants, qu'elles soient renouvelables ou fossiles.