Réacteur au graphite refroidi au gaz
Les réacteurs au graphite refroidi au gaz appartiennent à la famille plus large des réacteurs refroidis au gaz. Aux premiers stades de leur développement, de l’eau lourde était utilisée comme modérateur, mais cette dernière a rapidement été remplacée par du graphite – un allotrope naturel du carbone qui coûte beaucoup moins cher.
Cette technologie remonte aux premières grandes avancées en matière de génération d’énergie nucléaire, et la première pile atomique réalisée à Chicago en décembre 1942 par le physicien italien Enrico Fermi. Il s’agit alors du tout premier réacteur nucléaire créé par l’homme. La technologie a dans un premier temps été utilisée pour produire du plutonium à usage militaire.
Ces réacteurs ont été les premiers construits en France dans les années 1950 (Marcoule puis Chinon, Saint Laurent des Eaux et Bugey) dans le cadre de la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG). On en trouve également en Grande-Bretagne (filière Magnox et filière A.G.R. – Advanced Gas-Cooled Reactors) et en URSS (fillière Reaktor Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi, ou RBMK). Une filière graphite-gaz fut également brièvement développée aux Etats-Unis dans les années 1960 (Ultra High Temperature Reactor Experiment – UHTREX) avant d’être abandonnée en 1971.
En France, la construction de réacteurs UNGG fut arrêtée à partir des années 1980, et 6 réacteurs de ce type sont encore en cours de démantèlement. Le procédé doit s’achever en 2036 [1]
Dans un réacteur uranium naturel graphite gaz (UNGG), la réaction en chaîne de fission nucléaire est utilisée pour chauffer du dioxyde de carbone (CO2) dans le cœur du réacteur. Ce gaz est le caloporteur qui transporte l’énergie thermique du réacteur. Il remplace l’eau dans les autres réacteurs nucléaires en usage. Le gaz circule dans un premier circuit alimentaire, afin de chauffer l’eau d’un second circuit par l’intermédiaire d’un générateur de vapeur. C’est cette vapeur qui est utilisée pour actionner la turbine reliée à un alternateur. L’énergie mécanique de la partie dite conventionnelle (turbine et alternateur) sert à produire de l’électricité. Leur rendement est similaire à celui d’un réacteur à eau lourde (environ 30%).
Le circuit de refroidissement qui permet de recondenser l’eau évaporée afin d’actionner la turbine fonctionne grâce à de l’eau.
Dans le cas d’un réacteur UNGG, la fonction de modérateur n’est pas remplie par de l’eau lourde ou légère, mais par des blocs de graphite entourant le combustible nucléaire (ici de l’uranium) dans le réacteur. Ce minéral a pour avantage d’être peu neutrophage, et il n’est donc pas nécessaire d’enrichir l’uranium dans ce type de réacteurs.
Comme les autres réacteurs, ce modèle dispose de barres de contrôle situées au-dessus du cœur, qui tombent automatiquement dans le réacteur en cas d’incident, ce qui interrompt la réaction nucléaire.
Le refroidissement du cœur est par ailleurs assuré par quatre dispositifs indépendants qui assurent l’intégrité des barrières en cas de perte des moyens de refroidissement normaux [2].
Les réacteurs au graphite refroidi au gaz présentaient un certain nombre d’avantages :
Ils peuvent être rechargés en marche ce qui permet un fonctionnement continu ;
Il n’est pas nécessaire d’enrichir l’uranium utilisé dans ces réacteurs – une procédure coûteuse ;
Ces réacteurs disposent d’une importante inertie thermique – environ 45 fois plus que pour les REP – ce qui limite les risques en cas de perte de contrôle du cœur.
En revanche, ce type de réacteur souffrait également d’inconvénients importants, ce qui explique l’abandon progressif de la filière au profit d’une nouvelle génération de réacteurs.
Le gaz transporte beaucoup moins de chaleur qu’un liquide, ce qui induit plusieurs pertes. Tout d’abord, la puissance des réacteurs limitée à 600 MWe – si ce seuil est dépassé, des risque d’instabilité apparaissent. De plus, le combustible doit être fréquemment renouvelé ;
Cela demande un dispositif de retraitement important, et ce d’autant que le combustible usé ne peut être stocké durablement en piscines car son gainage s’use au contact de l’eau ;
La puissance limitée du réacteur force à construire un cœur plus grand, ce qui implique une assise au sol plus importante ;
Le CO2 à haute pression et haute température devient corrosif pour l’acier et le graphite, accélérant l’usure du réacteur.
Plus généralement, ces modèles de réacteurs sont largement considérés comme obsolètes pour des raisons économiques.
La filière graphite-gaz a été progressivement abandonnée par la France, l’Italie, l’Espagne et le Japon, et ne représente plus que 4 % du parc mondial actuel [3]. On ne compte aujourd’hui plus que 15 réacteurs au graphite refroidi au gaz actifs dans le monde, tous situés au Royaume-Uni [4]. Il s’agit de modèles AGR (Advanced Gas-cooled Reactor) qui sont la seconde génération des réacteurs Magnox.
[1] France Culture – « Quels problèmes pose le démantèlement des centrales nucléaires ? »
[2] CEA – Les réacteurs nucléaires à caloporteur gaz
[3] CEA – Les réacteurs nucléaires à caloporteur gaz
[4] Sfen – Les différents réacteurs nucléaires