Lancement de la campagne PPE : article de Jacques Peter
A propos de l’auteur
Jacques Peter est ingénieur des mines. Il a travaillé pendant de nombreuses années dans le secteur des transports, avant de se passionner à titre personnel, dès 2012, pour le secteur de l’énergie. C’est donc un nouveau venu, qui fait partager son regard riche et son expérience d’autres secteurs industriels.
Avec sa rigueur d’ingénieur, il a suivi le long travail du débat sur la PPE, et en dresse ici son bilan. Il l’a fait bénévolement pour soutenir les travailleurs du nucléaire engagés dans « Voix du Nucléaire », et ne plus laisser le monopole de la communication aux marchands de peur. Il a voulu témoigner de tout ce que l’on peut faire d’intelligent et d’utile avec l’outil nucléaire, en réponse à la volonté affirmée de certains de tuer le secteur.
Ses valeurs personnelles :
« Lutter contre le réchauffement, c’est aimer et respecter nos descendants et tous nos frères humains vivant dans des territoires menacés par les perspectives que nous décrivent les climatologues ».
« Faire confiance aux compétences, scientifiques, économiques et professionnelles, et respecter l’objectivité qui nous permet d’approcher la vérité. »
« Respecter l’emploi, la compétitivité de nos entreprises et les pouvoir d’achats, en particulier ceux des plus modestes »
Sommaire
- A quoi a servi ce débat ? Était-il honnête ?
- Le choc des statistiques catastrophiques
- Ceux qui prêchent pour la France
- Les entreprises utilisatrices d’énergie
- Les expressions opposées au nucléaire
- Brider autoritairement la consommation d’électricité
- Le relativisme climatique
- Les services placés sous l’autorité du Ministère
- Pourquoi aucun de débat contradictoire sur la sécurité du système électrique ?
- Ceux qui prêchent pour leurs intérêts
- Conclusion : le syndrome PPL (Perette et le pot au lait)
A quoi a servi ce débat ? Était-il honnête ?
« Il n’appartient pas à la commission du débat public de se prononcer sur le fond des arguments des uns et des autres, mais il lui appartient de dire au gouvernement…(si)… des signaux qui apparaîtraient déséquilibrés ou asymétriques en matière de nucléaire ou le report sine die des 50 % seraient perçus comme extrêmement négatifs, au regard de la mobilisation pour la transition énergétique*.»
Le discours de clôture du débat par le président de la commission d’organisation* est sans ambiguïté : Si le débat s’organise en principe pour que plusieurs questions relevant de la transition énergétique soient abordées et débattues, le seul objectif ferme et affiché est de corroborer la décision de réduction de la part du nucléaire en France prise par le gouvernement précédent.
De manière finalement assez cohérente, c’est bien ce qui est également affiché dans la seule communication personnelle émanant directement du Ministre, dans l’introduction au débat : « Le Ministre [NDLR : Nicolas Hulot] a retenu comme base de discussions deux scénarios de mix énergétique sur les quatre* proposés par le gestionnaire du réseau de transport RTE. L’un, baptisé Ampère, prévoit de réduire d’ici 2035 la capacité de production nucléaire de 14,5 gigawatts (GW), ce qui impliquerait de fermer 16 réacteurs de 900 mégawatts (MW) en plus de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Le second, baptisé Volt, envisage une baisse de 8 GW de la capacité de production nucléaire, soit la fermeture de 9 réacteurs. »
Malgré toute l’énergie déployée à susciter et organiser le débat de l’ensemble des français en ligne et sur tout le territoire, le président de la commission d’organisation du débat en a finalement édicté les conclusions en s’appuyant surtout sur « les demandes de l’opinion » : en fait celles d’un groupe de 400 citoyens tirés au sort dit G 400 à qui il avait été demandé de répondre à un questionnaire dont sont tirées les fameuses conclusions. Ces citoyens avaient au préalable été préparés aux problématiques de l’énergie à partir de documents établis…. par la Commission et par le ministère. La boucle étant bouclée, il n’a finalement pas été étonnant que le ministre retrouve le miroir de sa pensée et de ses déclarations dans la présentation par la commission des opinions des 400 citoyens. En ignorant les contributions pourtant riches et documentées de la France de la science, des techniques et du monde professionnel, le ministre et la commission ont organisé la conclusion du débat comme si elles n’existaient pas.
Dans les conclusions du débat public par la Commission, la LTE (Loi de Transition Energétique)* est « jugée applicable » pour réduire le nucléaire. Et ainsi sont avalisés les scénarii RTE expliquant allègrement que le meilleur des mondes utopiques est possible et avec lui le fait de, simultanément, brider de 10% la consommation d’électricité des Français, réduire la production de nucléaire à 50%, remplacer 25% de cette part nucléaire par des énergies renouvelables intermittents, tout en fermant les centrales au charbon et bien évidemment sans que les français ne connaissent de black-out ou de réduction forcée de la consommation, voire même tout en alimentant 15 millions de voitures électriques !
Au-delà de ces conclusions irréalistes, on peut se demander si la commission a respecté son devoir de neutralité : au travers des cinq remarques ci-dessous, chacun tirera les conclusions qu’il souhaite :
- Une information impartiale ou partiale ?
Le dossier initial, ainsi que la documentation fournie au groupe des 400 citoyens, ont fait une part très belle aux « antinucléaires », avec le seul choix du très discutable scénario Négawatt parmi tous les scénarios possibles et existants réalisés par des institutions aussi bien que par des associations, françaises et internationales, par exemple. Bien que le président de Sauvons le Climat, association dotée d’un conseil scientifique, se soit présenté à la commission et que de nombreuses autres personnes et associations qualifiées se soient exprimées (IESF, EDEN, académies…), la commission a fait le choix de ne pas retenir leurs contributions. Dans les débats et ateliers de controverse, elle a au contraire privilégié les opposants au nucléaire, ADEME, Global Chance, Négawatt, en laissant par exemple souvent le représentant EDF seul face aux contradicteurs multiples sans souci de la représentativité réelle du sujet. …et les points de vue de trois interlocuteurs : Négawatt, EDF et Total, sur un questionnaire considéré comme adressant les questions clés pouvant mener à la décision.
Découvrez comment ont été informés les membres du G400
Répondant à Olivier Lamarre, directeur adjoint de la production nucléaire d’EDF, qui défendait le grand carénage intégral jusqu’en 2029, le président a objecté : « Vous mettez la barre trop haut », prenant ainsi parti : comme si la proportion de nucléaire devait résulter d’une négociation de marchand de tapis.
- Quel bilan de la loi LTECV ?
Malgré de nombreuses demandes, et beaucoup d’interpellations dans ce sens, la Commission s’est refusée à proposer un atelier de controverse sur le bilan de la LTE qui aurait pourtant constitué un La loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte aussi dite de manière abrégée « loi de transition énergétique » ou « LTE ».
bon point de départ pour l’analyse qu’on se proposait de mener sur la question de ses modes d’applications. Ce bilan est pourtant désastreux, notamment en termes de climat, objectif premier de la loi, la France en étant en 2017 à sa troisième année consécutive de croissance des émissions).
Lors du débat final, l’un de ses prédécesseurs au Ministère de l’environnement, Brice Lalonde, a rappelé qu’au départ la France respectait les objectifs de la COP 21 puisqu’en 2000 elle était le pays développé émettant le moins de gaz à effet de serre par habitant. Pourquoi la situation s’est-elle dégradée depuis ? Il ne lui a pas été donné de réponse et les acteurs du débat n’en auront pas eu plus.
- Et la comparaison avec les expériences similaires menées par d’autres pays ?
L’étude des bilans des politiques énergétiques et climatiques des autres pays développés comparés et comparables au nôtre aurait beaucoup apporté à une réflexion sur les mesures que la France s’apprête à prendre. Cette comparaison a pourtant elle aussi été absente de ce débat. « Les dossiers de Géopolitique de l’électricité » notamment montrent pourtant qu’il y a beaucoup à apprendre de ces expériences.
- Comment ont été informés les 400 citoyens tirés au sort ? (Et censés représenter le pays)
L’information de ces citoyens semble avoir été, ici aussi, largement biaisée. Deux exemples peuvent être retenus : A propos des coûts du nucléaire, de larges fourchettes d’incertitude crédibilisant les discours alarmistes des opposants au nucléaire ont été fournies alors que le coût cash de 33 €/MWh du grand carénage avancé par EDF est ignoré. Concernant la conclusion à laquelle il leur était demandé d’aboutir, à aucun moment ne leur a été donné le choix de voter contre la réduction à 50% de la part du nucléaire, ni même n’a été fourni un résumé des arguments pour et contre. La seule option fournie a été de s’exprimer sur l’échéance à laquelle la France, irrémédiablement semblait-il, allait choisir de réduire son parc nucléaire, 2025, 2035, ou plus tard. A question fermée, conclusion orientée, voire imposée !
- Des expressions citoyennes non reprises dans les conclusions du débat ?
Dans ses éditoriaux et son discours de clôture, le président de la commission propose l’unité du pays autour d’une transition douce et d’une baisse de la consommation. Or on ne retrouve pas cette orientation dans la majorité des expressions des citoyens. Comment alors interpréter ses conclusions, qui semblaient alors surtout écrites à l’avance, si ce n’est comme une réponse claire à l’objectif annoncé de justifier la baisse à 50% de la part du nucléaire, et donc la baisse de la consommation et la fermeture anticipée de certains réacteurs.
Pourtant nombreuses demandes émises par les participants au débat, récurrentes, plusieurs fois partagées, n’ont pas été reprises dans les conclusions du rapport final de la commission malgré le fait qu’elles appelaient non pas à un choix mais à une rigueur supplémentaire dans la méthode ou dans la représentativité des expressions :
Parmi elles,
- Celles demandant de certes « maintenir des scénarios prospectifs de production respectant les objectifs de la loi » mais bien en les faisant porter sur l’ensemble du système énergétique et pas seulement sur l’électricité et en tenant compte des incertitudes liées à l’environnement des politiques énergétiques.
- Celles s’étonnant aussi simplement que ne soit pas traduit l’intérêt exprimé par de nombreux participants à beaucoup d’autres sujets tels que l’hydroélectricité, la forêt, le solaire thermique, les énergies renouvelables thermiques etc. et tous les autres sujets qui participent à la transition énergétique mais ont été relégués à la périphérie du débat malgré leur importance,
- Celles très nombreuses s’inquiétant des risques pris sur la sécurité de l’approvisionnement électrique dans les différents scénarii proposés.
- Celle finalement de savoir « pourquoi ne disposons-nous pas d’une trajectoire crédible nous conduisant vers le respect de l’objectif COP21 de 2030 ? ». Peut-être la plus importante de ces interpellations et à laquelle le ministère, n’a pas su ou voulu répondre, alors qu’il lui était simplement demandé de fournir la feuille de route de la loi, celle d’une trajectoire, argumentée par secteurs, permettant à la France de respecter son engagement COP 21 de réduction de 40% de ses émissions.
Quelle crédibilité donner aux perspectives de coûts présentées ?
Quand il est questionné sur les perspectives de coûts des renouvelables, le ministère affirme que ceux de l’éolien offshore tourneront entre 50 et 100€/MWh en 2030, alors que, en même temps, nous apprenons qu’il vient de se féliciter d’avoir pu débloquer plusieurs dossiers d’éolien en mer devant produire à partir de 2028 pour des garanties d’achats à 150€/MWh. (Coût prévisible sur 20 ans 26,5 milliards). Comment donc prendre au sérieux ces chiffres économiques ?
Alors tout ça pour ça ? Nous pourrions être tentés de passer par pertes et profits ces six mois d’expressions diverses : 8000 participants, 45 000 visiteurs du site, 300 cahiers d’acteurs et points de vue, 600 questions avec ou sans réponses, des milliers de commentaires et avis, des ateliers de controverses et des débats labellisés. Nous pourrions nous arrêter à dénoncer ce que certains appellent une manipulation source de propagande mais ce serait ne pas faire honneur à la grande richesse des participations.
Quelles ont été les forces en présence, les arguments des uns et des autres, les adversaires et les alliés, avec quelles convergences possibles ? Une chose qui peut être affirmée sans risque est qu’à force de vouloir défendre une thèse posée arbitrairement plutôt que d’engager avec objectivité et sérénité le débat, le ministère, et les représentants des mouvements opposés au nucléaire, se sont retrouvés forcés d’assumer de nombreuses contradictions et incohérences.
Le Maître d’Ouvrage interpellé par la publication de statistiques catastrophiques
Le Maître d’Ouvrage (le ministère) et la commission ont eu pour intention de fournir un dossier de base capable d’insuffler un bon départ au débat.
Dès le mois de janvier 2018 cependant, le suivi de la Stratégie nationale bas carbone mettait en évidence les très mauvais résultats des années 2015 et 2016 évoquant même pour nos émissions « un écart de trajectoire de 3,6% pour 2016 ». Fin avril 2018, le Commissariat au développement durable confirme ces tendances catastrophiques de la stratégie française bas carbone : en 2017, nous constatons une hausse de la consommation d’énergie corrigée des variations climatiques de plus de 1%, dont 0,8% pour celle de l’électricité, accompagnée d’une hausse de plus de 4% des émissions de gaz carboniques dues à l’énergie.
La Cour des Comptes complète ce tableau en évaluant à plus de 100Mds la dette provenant des engagements de subvention des renouvelables, moyens considérables pourtant mis en œuvre dans ce seul objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ces très mauvais résultats maintenant confirmés par trois années, signent l’échec des politiques climatiques des deux quinquennats précédents et donc du Grenelle de l’Environnement et de la Loi de Transition Energétique. Ils laissent pour le moment ceux qui en ont été les précédents inspirateurs, qui ont soigneusement évité de commenter ces chiffres, sans voix. Il est heureux que Lionel Taccoen animateur du blog « Géopolitique de l’électricité » et l’ancien ministre Brice Lalonde, parmi de nombreux autres, nous aient rappelé les réalités.
Le rapport final de la Commission publie, là aussi sans commentaire, les données fournies par le ministère sur les emplois de crédits publics pour la transition énergétique : de 4,3 milliards en 2016, en croissance à 5,3 milliards d’euros (prévision) en 2018 pour les seules subventions aux énergies intermittentes électriques que sont le solaire et l’éolien à mettre en regard de 0,250 milliards d’euros pour la production de chaleur et 0,650 pour l’isolation du logement en moyenne annuelle sur les 5 dernières années, qui sont pourtant responsables de 31% des émissions nationales.
Il apparaît clairement que l’essentiel des efforts financiers alloués à la transition énergétique ont été consacrés à des politiques qui n’ont rien ou très peu rapporté sur le plan du climat.
Concernant le bilan de ces dépenses passées, il n’y a eu aucune réponse provenant du Ministère et de la commission face aux très nombreuses interrogations portant sur ce thème. Plus que jamais, les objectifs énergétiques et climatiques de la France dont ceux de la LTECV, alimentant des tendances contradictoires, apparaissent inapplicables.
Malgré de nombreuses questions et demandes, là encore le Maître d’Ouvrage s’est bien gardé de commenter ces tendances, ce qui aurait pu pourtant contribuer à établir un diagnostic objectif. L’approche du ministère qui consiste à convaincre par la répétition d’une part et l’association abusive d’idées d’autre part, a en effet rappelé sans cesse les objectifs de la loi de réduction du parc nucléaire, auxquels a été associée dans le discours une évocation d’une France neutre en carbone pour 2050 et une injonction à accélérer la mise en service de toujours plus de renouvelables. Tous concepts n’ayant malheureusement que peu de liens réels et objectifs les uns avec les autres.
Que penser d’un médecin qui prescrirait de persévérer en augmentant les doses de traitements jusqu’ici inefficaces sans prendre le temps d’un diagnostic ?
La métaphore qui me vient est celle d’une voiture qui n’arrive pas à avancer sur un sol glissant. Conseiller au conducteur d’accélérer ne fait que l’embourber davantage dans les ornières creusées par ses patinages et ne résout rien. Comment ne pas considérer comme essentiel que le ministère se préoccupe de l’adhérence des roues de ses politiques mises en œuvre avec les réalités de leurs effets !
Peut-on conclure un débat sur l’avenir, sans avoir fait le bilan du passé ?
Peut-on proposer une trajectoire énergétique en faisant l’impasse sur celle du climat ?
Bref, la commission et le ministère ont communiqué comme si des tendances lourdes pouvaient être cassées par la magie d’un verbe politiquement correct.
Ceux qui prêchent pour la France : des acteurs et des expressions clés pourtant ignorés par les rapporteurs du débat
Surprise heureuse, beaucoup de militants engagés sur le climat et technologiquement neutres* ou, même, soutiens affichés de l’industrie nucléaire, associations, citoyens sans étiquette, ingénieurs de profession, hauts fonctionnaires, scientifiques, s’exprimant souvent à titre personnel, ont profité de l’opportunité du débat pour s’exprimer et communiquer leurs idées et points de vue. Généralement plutôt maltraités par les grands médias, les partisans du nucléaire sont sortis du bois et se sont exprimées dans des cahiers d’acteurs, par des avis et de nombreuses questions.
Le relais a été pris par le monde de la science notamment par le biais des sociétés savantes ainsi que par les associations de technologies et les professionnels de l’énergie. Ont également réagi des groupes plus représentatifs du citoyen non spécialiste du sujet tels que les amoureux des paysages, des oiseaux et chauves-souris, révulsés par l’invasion éolienne, le non recyclage des panneaux solaires, l’exploitation parfois indigne de minerais rares hors de nos frontières, etc.
Il paraît ici essentiel de citer quelques extraits du cahier de l’Académie des Sciences, un de ceux ayant suscité le plus de commentaires, en grande majorité favorables :
L’Académie des Sciences commence par un constat pessimiste :
« …Or si l’on regarde les indicateurs pertinents, on constate que nous sommes en retard sur les ambitions de la France exprimées à la fois dans la loi sur la transition énergétique et par la COP 21. Ce retard est perceptible aussi bien sur les objectifs de réduction de consommation d’énergie finale que sur la diminution de l’empreinte CO2 de notre production énergétique… »
Plus loin, l’Académie dénonce le fait que le manque de clarté des politiques conduit à tromper l’opinion :
« …Dans l’état actuel du débat, nos concitoyens pourraient être conduits à penser qu’il serait possible de développer massivement les énergies renouvelables comme moyen de décarbonation du système énergétique en se débarrassant à la fois des énergies fossiles et du nucléaire. Ce n’est malheureusement pas le cas… ».
L’Académie met en garde face à l’illusion, hélas largement développée dans les réponses du Ministère de la transition écologique et solidaire, selon laquelle on pourrait fermer 16 réacteurs, accueillir 15 millions de véhicules électriques et assurer la sécurité du système électrique :
« …Dans un avenir proche et à moyen terme, il y a une véritable contradiction à vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre tout en réduisant à marche forcée la part du nucléaire… »
En conclusion, l’Académie des Sciences appelle l’Etat à organiser au plus haut niveau un débat avec toutes les compétences. Concluant de fait que ce débat-là ne les réunit pas… Nous proposons au Premier Ministre de recevoir l’Académie des Sciences.
La mobilisation des expertises variées a été une vraie réussite, de nombreux cahiers et points de vue, des centaines de questions et commentaires, si peu pourtant en a été traduite !
Si je pouvais faire des recommandations, toutes personnelles bien sûr mais néanmoins basées sur la lecture de toutes les contributions au débat, je citerais les contributions suivantes :
- L’IESF, déjà mentionnée, complétée par un point de vue de Bruno Wiltz sur les sept coûts des renouvelables,
- EDEN, mentionnée également, sur les objectifs de la transition énergétique, la diffusion des voitures électriques, le bâtiment et une conclusion de Brice Lalonde,
- M. Michel Gay qui publie dans Contrepoints,
- Des professionnels de l’industrie nucléaire ayant notamment travaillé de l’intérieur sur la centrale de Fessenheim,
- Le Conseil Général de l’Economie, successeur du prestigieux Conseil Général des Mines, qui a publié une étude critique des scénarii RTE que la commission a malheureusement refusé d’insérer dans la documentation, rejetant ainsi la contradiction de la documentation.
- Gilles Bellec, ingénieur général des mines, qui par sa contribution permet un peu de prise de hauteur vis-à-vis des thèses déclinistes,
- L’iFRAP, think tank soutenant à la fois le climat et la compétitivité économique de la France
Et bien sûr le monde du travail, de ceux qui font et feront la transition de l’intérieur, représenté par :
- Le CCE EDF qui a publié plusieurs études avec l’aide du cabinet IED, dont l’une remarquable sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité critiquant là encore la vision proposée par les scénarii RTE.
- Les syndicats : Fédération Nationale Mines Energie CGT, CFE CGC, FO.
- Il apparait que les travailleurs de l’énergie connaissent bien ce dont ils parlent et sont également sensibles au bien public.
- Le Parti Communiste Français
- Les associations d’actionnaires salariés et retraités d’EDF, l’ADAS, l’EEA,
- L’association Fessenheim, notre Energie.
- « Protégeons nos espaces naturels » à propos de la résistance croissante au déploiement massif, sur fonds publics, des éoliennes.
- « Droit à l’énergie » à propos de la hausse de 20% en euros constants depuis 2000 des factures d’électricité.
- EDF bien sûr, dont le cahier d’acteur mérite une lecture attentive, détaillant l’intérêt du grand carénage pour tout le parc historique jusqu’en 2029, malgré le fait de ne prendre en compte qu’une légère hausse de la consommation. EDF y demande notamment que la décision sur le renouvellement du parc nucléaire par de nouvelles constructions se prennent durant ce quinquennat, sans quoi l’entreprise sera prise de court quelle que soit la décision et ne pourra assurer une fourniture continue d’électricité aux français. En réponse à une question d’actionnaire le Conseil d’Administration d’EDF a notamment précisé qu’il avait attiré l’attention du Ministère sur le risque qu’il prenait en programmant de façon autoritaire la baisse de la consommation d’électricité sans considération pour l’outil technique et humain et ses capacités d’adaptation.
Le Conseil d’Administration d’EDF a notamment précisé qu’il avait attiré l’attention du Ministère sur le risque qu’il prenait en programmant de façon autoritaire la baisse de la consommation d’électricité sans considération pour l’outil technique et humain et ses capacités d’adaptation.
- Le CEA se montre à la hauteur de sa dénomination de Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives en produisant un cahier d’acteur équilibré.
- Orano,
enfin, décrit dans le détail et avec pédagogie la cohérence de l’expertise française dans la maîtrise de l’ensemble de la filière nucléaire.
Les entreprises utilisatrices d’énergie et créatrices d’emplois sur le territoire : soutiens affirmés de l’énergie nucléaire
Les critères économiques pour investir dans de nouvelles installations ou moderniser les installations existantes, sont la compétitivité des coûts de production, la non sensibilité au risque carbone à moyen et long terme, la disponibilité d’une production électrique de base de forte puissance, la prévisibilité de ces facteurs sur la durée d’investissement (supérieure à 15 ans) et la sécurité d’approvisionnement.
« Parmi les leviers pour relocaliser l’industrie en France : un accès de long terme à une électricité de base non intermittente, dé-carbonée et compétitive »
La production d’électricité nucléaire française répond à chacune de ces exigences.
Pour les entreprises les plus impactées, les industries électro-intensives, dont la consommation électrique est à la fois prévisible à moyen et long terme, le parc nucléaire existant est un atout déterminant justifiant de leur présence sur le territoire français, comme l’est, pour leurs concurrents, la production hydroélectrique à très grande échelle au Canada ou dans certains pays du nord de l’Europe. Pour ces entreprises la part de l’électricité dans leurs charges dépasse le tiers des coûts salariaux et absorbe entre 5% et 20% de leur chiffre d’affaires. Elles représentent 20% de la consommation électrique de la France et emploient plus de 100 000 salariés. Cette part de la fourniture électrique dans leur activité est telle que sa « qualité », fiabilité, prix et visibilité, constitue à elle seule une raison suffisante à la dé- ou à la relocalisation.
Les énergies alternatives au nucléaire ne peuvent présenter en France, à l’heure actuelle et pour le moyen terme, les mêmes qualités.
Pour les entreprises et autres consommateurs importants comme les villes, il est donc indispensable qu’une production de base nucléaire suffisante reste disponible et que la priorité soit donnée à un pilotage souple et pragmatique de la transition énergétique. Dans ce contexte, les scénarios « dogmatiques », telle la réduction trop rapide de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % dès 2025, ou le renoncement dès aujourd’hui à toute prolongation du parc nucléaire au-delà de 40 ans, ne peuvent être retenus. Inversement, il faut privilégier les scénarios pragmatiques, assumant clairement des objectifs climatiques ambitieux, tout en préservant la compétitivité énergétique de la France.
« 12% de la facture d’électricité des entreprises est affecté au soutien des énergies renouvelables… Par exemple les sous-traitants d’Airbus payent leur électricité deux fois plus cher que les sous-traitants de Boeing »
L’ensemble des entreprises françaises est concerné par la fiabilité et le prix de l’électricité. Or seules celles qui sont électro intensives bénéficient aujourd’hui du plafonnement de leur TICFE, impôt prenant le relais de la CSPE, taxe majoritairement affectée au soutien des renouvelables électriques et qui représente 22% de la facture en moyenne. Les autres subissent de plein fouet sur leurs activités le coût d’un choix politique fait entre deux moyens de production d’électricité pourtant tous deux décarbonés. Pour ne prendre qu’un exemple, les sous- traitants d’AIRBUS payent leur électricité deux fois plus cher que ceux de Boeing. Le gouvernement sensible aux menaces de délocalisations qui ont fini par s’exprimer vient de diviser par deux cet impôt pour les centres de traitement de données, les fameux data centers. Dommage pour les autres…
Pour autant, et c’est regrettable tant du côté du ministère que de celui du MEDEF tel qu’exprimé dans son cahier d’acteur, le problème du prix de l’électricité sans cesse croissant, du fait du soutien aux énergies éoliennes et solaires* n’a pas été posé. La substitution de l’électricité aux fossiles se traduit en effet toujours par des gains considérables de rendement énergétique et une baisse forte des émissions de gaz carbonique.
A l’heure où le système électrique français est reconnu comme l’un des facteurs forts de notre compétitivité, objectif du Président de la République et du gouvernement, il serait légitime de poser le problème de la suppression de cette taxe pour toutes les entreprises, tant les PME que les grandes.
L’industrie n’a en effet pas besoin de conseils ou de réglementations publiques ou que l’on pense pour elle pour augmenter sa productivité énergétique. Elle a démontré dans ce domaine son efficacité se traduisant par des progrès continus. Ainsi le pays de Dunkerque bénéficie de la centrale nucléaire de Gravelines pour l’alimentation d’industries électro intensives. A Dunkerque, l’acier a réduit de 40% ses émissions. L’industrie du papier-carton a divisé par deux les siennes en 37 ans, soit à peu près – 2%/an. Les industriels disent que le plus facile a été fait et qu’à l’avenir on ira moins vite.
L’UNIDEN, union des industries utilisatrices d’énergie, et l’industrie du papier et du carton, s’est attachée à rappeler ces mêmes réalités.
Dans son cahier d’acteur, elle plaide ainsi pour un retour en France des industries consommatrices d’énergie, permettant ainsi aux français de diminuer fortement leur empreinte carbone en relocalisant la production des biens importés. En effet, les importations de la France, notamment en provenance d’Allemagne, de Pologne et de Chine, tous pays au mix énergétique bien plus carboné que le nôtre, augmentent significativement notre empreinte carbone.
Les expressions opposées au nucléaire
Si les entreprises, les sociétés savantes, les associations techniques et scientifiques et les think tank n’ont été que très peu repris par la Commission, celle-ci a néanmoins intégré dans le fameux « dossier de base » les opposants « classiques », et nous pourrions dire professionnels, au nucléaire, connus et reconnus, tels que : Négawatt, France Nature Environnement, Réseau Action Climat, se concentrant sur la réduction du nucléaire, ainsi que Greenpeace, WWF, Fondation Nicolas Hulot.
Ceux-ci demandent tous : le respect de la Loi de Transition Energétique, bien sûr plus d’efficacité énergétique et l’application du scénario Watt de RTE, fermant tous les réacteurs du parc nucléaire français à 40 ans de leur durée de vie.*
La centrale nucléaire française la plus récente ayant été mise en ligne en 2000, cela signifierait que nous perdions 75% de notre fourniture d’électricité totale au plus tard en 22 ans, d’ici à 2040.
Mais ils ne sont pas choqués par le fait que nous ne tenons pas nos engagements climat.
Climat : un mot qu’ils prononcent ou écrivent rarement.
Durant le débat, plusieurs auront relevé particulièrement l’argument audacieux, repris par le WWF qui cite une étude allemande, selon lequel on ne pouvait obtenir de l’Allemagne qu’elle ferme ses mines de charbon et de lignite que si la France fermait son nucléaire ! Curieux raisonnement repris d’ailleurs dans la communication officielle du ministère de l’écologie.
La réalité ne serait-elle pas que, face à ses médiocres performances climatiques, et donc confrontée à la nécessité de remplacer ses centrales au charbon par des capacités gaz équivalentes plus économes en contenu carbone, mais plus coûteuses, l’Allemagne aurait besoin d’une hausse du prix de marché ? Elle redouterait la perspective d’un parc nucléaire français supportant, après grand carénage, des coûts cash de 33€/MWh, (contre 45€/MWh pour le lignite), les moins chers du marché, offrant donc une compétitivité forte à l’industrie lourde française en particulier comparée à celle de l’Allemagne bien que celle-ci laissât au consommateur allemand la responsabilité de supporter le prix de la transition énergétique allemande.
« L’Allemagne redouterait la perspective d’un parc nucléaire français supportant après le grand carénage des coûts cash les moins chers du marché, offrant une compétitivité forte à l’industrie française »
Insupportable pour la grande cause nationale qu’est l’industrie allemande ? Monsieur le ministre Le Maire accepterait-il que la France doive fermer une usine de moteurs diesel rentable afin de contribuer à la restructuration de l’industrie automobile allemande ?
La tactique des opposants au nucléaire a consisté pendant la durée du débat à critiquer les choix initiaux des scénarii Volt ou Ampère faits par le ministère de la transition pour défendre le scénario Watt fermant systématiquement tous les réacteurs au bout de quarante ans, leur cible à moyen terme étant bien de rendre d’autant plus acceptable la réduction à 50% du parc dès 2035. Cette première victoire agirait ainsi en apéritif d’une sortie complète du nucléaire qui ne saurait que s’en suivre.
Il aura ainsi suffi à la commission et au ministère de jouer de cette connivence en présentant une « transition soft », soi-disant équilibrée, entre deux positions présentées comme extrêmes : EDF d’une part défendant le grand carénage et une décision sur le nouveau nucléaire et d’autre part des ONG « dites écologiques », les contributions de l’ADEME et celles de l’ancien député François Brottes, président de RTE, toutes reconnues pour leur opposition de principe à l’énergie nucléaire. La sortie à ce même moment du rapport de la commission
Pompili sur la sécurité des installations nucléaires, dénoncé pour sa partialité et ses raccourcis et erreurs par ses pairs même, en faisant ainsi un des rapports parlementaires les plus décriés, ne doit rien au hasard.
Brider autoritairement la consommation d’électricité
Toutes les expressions des opposants au nucléaire, reprises par le ministère, valorisent la décroissance de la consommation d’électricité, et soutiennent le slogan et les productions de l’association Négawatt.
Ainsi en rupture avec ses propres analyses jusqu’en 2016, RTE a programmé une baisse importante de la consommation pour les horizons 2025 et 2035 sans aucune justification. Or les tendances des dix dernières années démontrent une stabilité de la consommation malgré les efforts fournis.*
Toutes les autres expertises dont celles d’EDF, EDEN, France Stratégie, iFRAP prévoient une légère croissance. Des scénarii tels celui de Négatep (de l’association Sauvons le Climat) proposent, à l’opposé, de développer considérablement la production électrique afin de substituer aux fossiles, dans le transport et le résidentiel tertiaire, un vecteur électrique décarboné.
Or il y a une grande différence entre les programmations publiques des consommations de gaz et de pétrole et celle d’électricité.
Quand des objectifs politiques ne sont pas atteints par les réalités des marchés, les pouvoirs publics se gardent bien de fermer les tuyaux approvisionnant les stations-services et les logements. Ces infrastructures largement dimensionnées et la souplesse des importations font que les citoyens ne courent aucun risque de coupure. Ce n’est alors qu’une question de prix. Tout autre est la situation du système électrique dont les capacités se programment des années à l’avance. Les brider arbitrairement conduirait à des scénarii catastrophes, black–out en cascade par exemple, dans un pays qui ne sait pas se passer de son électricité ne disposant pas de générateurs dans les arrières cour de ses bâtiments, de ses écoles, de ses hôpitaux.
Les progrès d’efficacité énergétique des entreprises et des particuliers, processus continu, ont été considérables ces dernières années. L’affichage des performances énergétiques des appareils électriques réglementé par l’Europe a été un succès, probablement le seul, de sa politique climatique. Plus peut encore être fait et plus encore se fera.
Les opposants au nucléaire confondent une communication de sobriété appelant à des comportements responsables avec laquelle tout le monde peut être d’accord avec un dirigisme voulant contraindre à la vertu en fermant les robinets, ce qui, au-delà de présenter par ailleurs des risques certains pour les populations, n’a jamais fonctionné.
Les progrès d’efficacité énergétique des entreprises et des particuliers, processus continu, ont été considérables ces dernières années, la majeure partie des marges a été consommée.
Certains privilégient leur opposition au nucléaire… jusqu’à relativiser l’objectif climatique
Emportés dans leurs passions, les opposants au nucléaire ont avoué, dans les débats et dans leurs cahiers et expressions, que pour eux le critère climat était relatif.
Pour certaines de ces voix, officielles – ministère de la transition, RTE, ADEME – il s’agirait seulement de ne pas augmenter les émissions du système électrique.
C’est un relativisme d’autant plus difficile à combattre qu’il est implicite.
Ne croyez pas à une exagération. En visionnant l’atelier de controverse sur le nucléaire, on peut entendre le représentant de l’association Global Chance dire, pour justifier le recours au scénario Watt de fermeture à 40 ans de tous les réacteurs existants (alors qu’il est, selon même son concepteur, RTE, le plus émetteur de gaz carbonique) qu’après tout le critère climat « devait être relativisé » et qu’il fallait privilégier le critère « sortie du nucléaire ». Le représentant Négawatt abondait dans ce sens en affirmant à son tour que les tonnes de CO2 perdues sur l’électricité (c’est-à-dire qu’on émettrait en plus en se passant de nucléaire), on les (re)gagnerait ailleurs, dans le logement ou le transport ! Ces aveux les placent tous les deux en contradiction avec les engagements COP 21 du Président de la République, avec les autres objectifs de la Loi de Transition et accessoirement avec les préoccupations principales des français.
« On ne sait pas respecter les engagements climatiques en baissant le nucléaire ? Disons alors que le climat ce n’est pas si grave ! »
Cette position est implicite dans pratiquement toutes les expressions des opposants au nucléaire.
Cette dénonciation est suffisamment sérieuse pour que nous l’étayions encore un peu : du cahier d’acteur de l’association Global Chance nous pouvons extraire la citation suivante : « …Le dossier (celui du Maître d’ouvrage) présente en effet une liste à la Prévert de questions dont l’importance et l’intérêt sont très variables. Elles concernent pour la plupart l’électricité avec une insistance particulière sur la question de la sécurité d’approvisionnement énergétique et le climat, au détriment de nombreuses autres préoccupations, en particulier économiques et sociales… Ce pointillisme assumé permet d’éviter d’aborder toute une série de thèmes pourtant majeurs pour la transition énergétique, au premier rang desquels les questions concernant le nucléaire…. »
« On ne sait pas assurer la sécurité d’approvisionnement du pays en baissant le nucléaire ? Disons alors que le risque de black-out ce n’est pas si grave ! »
Les longs développements qui suivent, en particulier l’appel à la baisse de la consommation, ont pour objectif de valoriser le scénario Watt de fermeture complète du parc.
C’est là la plus belle démonstration de la relativisation des critères de la sécurité d’approvisionnement et du climat des opposants au nucléaire. Malheureusement ce n’est pas la seule. « Réseau action climat », regroupant les principales associations opposées au nucléaire, est allé jusqu’à produire un cahier d’acteur évacuant complètement le sujet, et même le mot, climat.
Son seul et unique thème étant de sortir du nucléaire, pourquoi alors avoir choisi le nom de Réseau action climat ?
Les services placés sous l’autorité du Ministère
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a remarquablement communiqué sur son dossier 100% renouvelables qui fait autorité pour beaucoup et est donc souvent évoqué comme référence par les opposants.
Mais l’observation attentive des positions et écrits récents de l’ADEME met en évidence un dégagement discret du principe du stockage inter saisonnier dont l’impossibilité technique rendait toute sa démonstration caduque. Elle propose maintenant des scénarii électriques avec des taux élevés de renouvelables, mais plus le fameux 100%.
Ainsi un responsable des renouvelables devait répondre à deux questions lors d’un colloque organisé par le Conseil français de l’énergie en 2017, portant sur les énergies alternatives appelées à la rescousse des scénarios majoritairement appuyés sur les renouvelables :
Question : Quels seraient les coûts et le rendement prévisible d’un système « power-to-gaz » ne dépassant guère 20% ?
Réponse : On ne verra probablement jamais le power to gaz.
Question : le dossier 100% renouvelables fait un large appel aux importations pour passer les creux d’intermittences [lorsqu’il n’y a ni vent ni soleil]. Or le contenu carbone de l’électricité produite par nos voisins est très élevé. Quel est l’objectif de l’étude ?
Réponse : l’objectif de l’étude ADEME 100% renouvelables n’était pas la réduction des émissions, mais la promotion des renouvelables.
« Objectif des études 100% renouvelables ? la promotion des énergies renouvelables et pas la réduction des émissions de gaz à effet de serre »
RTE-France, responsable des fameux scénarii qui ont été pris pour référence et qui tous requièrent une fermeture anticipée d’un nombre plus ou moins important de réacteurs du parc nucléaire, a de son côté administré une preuve des contraintes subies par leurs hypothèses. A beaucoup de questions posées par les participants au débat sur pourquoi ils avaient fait à chaque fois l’hypothèse préalable structurante de baisse de la consommation d’électricité, ses représentants n’ont su que répondre si ce n’est littéralement : « On nous a demandé des scénarii permettant d’obtenir le 50% de nucléaire : impossible pour 2025, mais aussi pour 2035 si nous ne programmons pas la consommation à la baisse. »
En particulier lorsqu’à été évoqué la justification du remplacement de 25% de nucléaire par autant d’intermittents d’ici 2035, il a été affirmé par le ministère : « Le stockage de l’électricité à grande échelle est en train de devenir une réalité industrielle ». Sans considération bien sûr, du fait que cela n’était absolument pas le cas…
Les deux questions posées sur ce sujet par moi-même évoquant en particulier le remarquable cahier d’acteur de Georges Sapy traitant en détail la question du stockage, et demandant des précisions n’ont hélas pas reçu de réponses à ce jour. Quand le Ministère cite la loi ou un autre texte administratif décrivant cet avenir radieux avec stockages et que les questions quand ? où ? comment ? combien ? avec quoi ? lui sont posées, ou « citez-nous un pilote qui marche ! » : il se tait.
Pour défendre l’objectif de 50% de réduction du parc le ministère s’appuie sur un argument répété à satiété : nous devons réduire notre dépendance au parc nucléaire français en cas de défaut générique qui toucherait plusieurs installations à la fois. Il s’appuie pour crédibiliser cette hypothèse sur la demande de l’Autorité de Sûreté Nucléaire qui, soucieuse de justifier un jugement controversé, débattu et finalement révisé, avait il y a peu arrêté une dizaine de réacteurs pour inspection sur la base d’un soupçon de défaut générique. « Le système électrique doit disposer de marges » disent-ils, et sur ce, s’apprêtent à lui en enlever.
Car l’ASN n’a jamais demandé que ces marges soient fournies par des énergies renouvelables intermittentes comme le soleil ou l’éolien. Il est vrai que pour toutes sortes de raisons le système électrique doit disposer de marges, mais il est paradoxal de proposer des énergies qui ont une production variable, quand elle n’est pas aussi aléatoire, comme capables de remplacer un tiers de la production nucléaire actuelle tout en améliorant la sécurité électrique ! En effet le solaire ne produit plus les soirs d’hiver et l’éolien peut connaître dans toute l’Europe des périodes de plusieurs jours sans vent, avec des facteurs de charge d’à peine quelques pour cent de leurs capacités installées.
Les marges les plus économiques dont peut disposer le système électrique sont malheureusement bien connues : ce sont les vieilles centrales au fuel ou au charbon dont on a décidé la fermeture et les centrales au gaz bien plus émettrices que l’hydroélectricité, l’éolien, le solaire et bien sûr le nucléaire. Si nous sommes dans l’obligation de recourir à plus d’énergie fossile pour compenser la fermeture des centrales nucléaires, tant pis pour la sécurité électrique, mais surtout tant pis pour le climat, tant pis pour la pollution et les maladies cardiaques et respiratoires qu’elles entraînent !
Pourquoi la Commission n’a pas organisé de débat contradictoire sur la sécurité du système électrique ?
Dominique Maillard, prédécesseur de François Brottes à la tête de RTE, après avoir évoqué la multiplicité de fermetures de centrales thermiques, surtout à gaz en Europe écrivait dans la revue des anciens élèves de l’école Polytechnique La Jaune et la Rouge* :
« Les marges de sécurité aujourd’hui disponibles et qui ont permis le passage de la vague de froid de 2012, décroissent sur toute la période 2014-2018 avec une baisse marquée entre 2015 et 2016. Si un événement du type de la vague de froid de février 2012 (pointe à 102 GW) venait à se reproduire sous les mêmes conditions climatiques (vent, ensoleillement, températures), on pourrait approcher près de quarante heures d’interruption locale de fourniture d’électricité … »
En effet, EDF a signalé que pour une pointe à 95 GW, nous étions passés cette année à deux doigts de recourir à des délestages et ainsi priver temporairement des pans entiers de l’économie ou du pays d’électricité.
En effet, EDF a signalé que pour une pointe à 95 GW, nous étions passés cette année à deux doigts de recourir à des délestages et ainsi priver temporairement des pans entiers de l’économie ou du pays d’électricité.
Depuis, nous ne recevons dans les publications de RTE que des nouvelles rassurantes. La consommation d’électricité aurait-elle baissé depuis 2012 ? Non elle est restée étonnamment stable.
Dans un cahier d’acteur très complet, de près de 200 pages, le bureau d’étude IED mandaté par le CCE d’EDF avertissait à son tour. De multiples questions de Jean Fluchère, professionnel reconnu sur ce thème n’ont pas reçu de réponses, pas plus que le cahier d’acteur de Georges Sapy traitant des stockages.
Il y avait bien de quoi organiser un débat capital dont les conclusions auraient éclairé l’opinion, le Groupe des 400 citoyens, et la décision à venir sur la programmation pluriannuelle de l’énergie !
Jusqu’ici les Français habitués à l’excellence de notre système électrique ne peuvent imaginer subir ce que les médias nous racontent des pays ne disposant pas d’une capacité électrique suffisante associée à une gouvernance efficace.
Avoir organisé un vote du G400 sur le mix électrique d’avenir sans information sur cet enjeu majeur pour la vie même de chacun et le bien-être de tous, était-il honnête ?
Le 29 juin, alors que le débat était presque clos, il a été proposé le point de vue « Organiser un grand débat avec toutes les compétences sur la viabilité des scénarii RTE ». La commission ne l’a pas publié. Pourquoi ?
Ceux qui prêchent pour leurs intérêts
Alors que la clôture du débat était proche, de nombreuses sociétés, bureaux d’étude, organismes divers ont perçu l’opportunité d’une communication publicitaire gratuite en produisant des cahiers d’acteur assurant la promotion de leurs procédés et de leur savoir- faire.
Une des plus marquantes fut sans conteste celle du gaz autoproclamé « vert ».
Le lobby du gaz : un allié objectif des opposants au nucléaire
Cette coalition de fait d’entreprises comprenant entre autres GRT gaz et Engie défend le gaz. Tous évoquent un avenir radieux avec 100% de gaz vert pour 2050, soit 450 TWh, en passant par une étape intermédiaire en 2030 à 15 à 20%, le tout sur la base d’un dossier publié par l’ADEME proposant un scénario techniquement inatteignable pour atteindre 100% de gaz renouvelable en France d’ici à 2050.
Or aujourd’hui après dix ans de promotion, le gaz vert atteint 0,1% du marché ! De manière somme toute similaire au résultat du processus de promotion intense, suivie de décision politique et de ruée vers l’or (la subvention) industrielle qui s’est appliqué pour l’éolien et le solaire. L’ensemble n’a abouti ni sur la production effective ni sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Toutes les présentations des technologies aujourd’hui opérationnelles reconnaissent en effet que les productions de gaz vert coûtent environ trois fois le prix du gaz importé. Sa promotion réaliste supposerait donc soit une majoration forte des factures des clients, soit une forte contribution de crédits publics, du même ordre de grandeur que les 5 milliards/an consacrés au soutien des renouvelables électriques.
Or on n’a pas l’argent deux fois ! Il aurait été honnête, pour cette question comme pour tant d’autres, de fournir ces chiffres avec leurs traductions éventuelles sur les factures du consommateur moyen avant de faire voter sur ce thème le G 400 !
Félicitons-nous quand même que France Stratégie ait sorti en septembre une étude très documentée sur les perspectives du gaz vert. Dommage que ce document n’ait pas fait l’objet d’un cahier d’acteur qui aurait enrichi le débat ! France Stratégie y expose en toute clarté les enjeux financiers considérables des surcoûts des diverses technologies dont il fait l’inventaire et tord le cou au mythe du power-to-gaz : il évoque un prix de revient du méthane à produire par les pilotes de plusieurs milliers d’€/MWh alors que le prix de marché de l’électricité tourne entre 40 et 60 €/MWh.
En outre toutes les contributions du lobby du gaz valorisent la complémentarité entre les énergies renouvelables intermittentes et les centrales au gaz, démentant ainsi du même coup les scénarii de RTE prévoyant que l’on pourrait fermer 16 réacteurs nucléaires et 3GW de centrales au charbon, toutes capacités pilotables donc, en les remplaçant par des énergies intermittentes sans construire de nouvelles centrales au … gaz.
Pour compléter son retour en force malgré les demandes pressantes de tous les professionnels et chercheurs du climat d’en finir avec les énergies fossiles dont il fait, rappelons-le, partie, le lobby gaz a pu également se féliciter de la confirmation par le ministère du fameux coefficient 2,58 appliqué à l’électricité dans la future réglementation thermique des bâtiments. Cette règlementation a pour effet de favoriser directement le gaz aux dépends de l’électricité dans le chauffage résidentiel. (Qui oserait encore parler de lobby nucléaire ?).
Coût écologique de cette réglementation d’ici 2030 ? Plus de 3 millions de tonnes de gaz carbonique supplémentaires émises chaque année par la France.
Conclusion : Nous sommes face au syndrome PPL
Pour conclure on observe que le débat PPE et les propos du ministère tombent dans ce qu’on peut appeler le « syndrome Perrette et le Pot au Lait ». Dans cette fable Jean de la Fontaine nous amuse à propos des histoires de ceux qui rêvent de châteaux en Espagne sans être présents dans leurs bottes. De plus en plus on rêve, on légifère sur une « France zéro carbone » idéale pour 2050. Les veaux, vaches, cochon de Perrette sont le power to gaz, 450 TWh de gaz vert, toutes les formes de stockages, l’hydrogène et « des choses comme ça » …et bien sûr les renouvelables électriques, solaire et éolien. Les paroles, les rêves formalisés en loi et réglementations sont les produits d’une pensée magique. Et aucun responsable du ministère ne commente les tendances, n’évalue les coûts, ne tire les conséquences des expériences étrangères réussies et ratées. Il n’y a pas de pilote dans l’avion de l’énergie, compatible avec les défis du climat et de la compétitivité.
« Les paroles, les rêves formalisés en loi et réglementations sont les produits d’une pensée magique. Et aucun responsable du ministère ne commente les tendances, n’évalue les coûts, ne tire les conséquences des expériences étrangères réussies et ratées. »
Pour ne prendre que deux exemples de cette planification défaillante de 2030 :
Alors que les émissions françaises de gaz carbonique de l’électricité ne représentaient que 4,2% du total en 2016, celles des deux secteurs qui reçoivent le moins de concours de l’Etat, le résidentiel tertiaire et le transport en représentent respectivement 31% et 30% ! C’est donc bien là plutôt qu’il faut porter le combat climatique !
Le cahier d’acteur sur le logement d’EDEN pouvant servir de base à un programme efficace de réduction des émissions en développant massivement l’usage de l’électricité en particulier à l’aide des pompes à chaleur n’a été ni commenté, ni discuté.
La production nucléaire est parfaitement compatible avec le chauffage via les pompes à chaleur puisque la programmation de ses entretiens conduit à ce que sa capacité installée de 63 GW peut produire 59 GW en période de grands froids contre 38 GW au mois d’août.
Quant à l’électrification de la mobilité, le ministère a exprimé des vœux pieux, évoquant jusqu’à 15 millions de véhicules électriques d’ici 2035, sans dire comment il ferait, alors que leur part de marché n’atteint pas 2% en 2018. Avec la poursuite des politiques actuelles, comment y croire ?
Sur un dossier d’avenir, la promotion du vélo, y compris de ceux qui disposent de l’assistance électrique, nous venons de constater avec bonheur l’engagement du Premier Ministre.
Eh bien les petits utilitaires motorisés la plupart du temps en diesel représentent plus de 10% des circulations en ville. Pourquoi ne pas demander au Premier Ministre de coordonner les ministères des transports, de l’intérieur et de l’industrie, ainsi que les constructeurs qui ont tous des modèles 3,5 T électriques, ainsi que les collectivités locales compétentes pour les règles de circulation afin d’obtenir que d’ici 2030 toutes nos livraisons terminales dans les grandes agglomérations soient électrifiées ? Ce projet bénéficierait d’un double dividende, réduction des émissions de gaz carbonique et de celles à l’origine de pollutions de l’atmosphère, que l’opinion publique ne supporte plus.
Notons que dans ces deux cas, motorisation d’une camionnette en site urbain et pompe à chaleur, 1 kWh électrique se substitue à 3 kWh fossiles.
Comme pour les millions de chauffe-eau électriques, les recharges de nuit au chantier des camionnettes seraient elle aussi adaptées à la production nucléaire.
En conclusion, nous ne pouvons que demander que soit repris, comme l’a proposé l’Académie des Sciences, un débat au plus haut niveau de l’Etat, avec toutes les compétences disponibles afin que soit proposée aux citoyens une stratégie énergétique répondant aux quatre objectifs fondamentaux de notre pays :
- Une trajectoire climatique respectant les engagements COP 21 de la France
- La compétitivité de notre économie, particulièrement celle de l’industrie
- Le pouvoir d’achat des ménages
- La sécurité de notre système électrique
Lancement de la campagne PPE : article de Jacques Peter