Produire de l’hydrogène bas carbone avec du nucléaire
L’hydrogène, une source d’énergie prometteuse mais qui dépend de sa production décarbonée
L’hydrogène est une source d’énergie facilement stockée et transformée. Il n’est une réelle solution pour remplacer les énergies fossiles que si sa production est décarbonée – par exemple avec le nucléaire.
La demande d’hydrogène a plus que triplé depuis 1975, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cette source d’énergie idéale pour la mobilité lourde devrait en effet augmenter pour faire face au besoin de décarboner les secteurs de l’énergie, de l’industrie et des transports. Il permet par ailleurs d’éliminer les émissions de particules, de soufre et d’oxyde d’azote, ne rejetant que de l’eau. En outre, l’hydrogène peut être stocké sous forme gazeuse ou forme liquide avant de contribuer à produire de l’électricité grâce à une pile à combustible et peut remplacer le gaz naturel.
Ces qualités n’ont pas échappé à nos gouvernants. 60 millions de tonnes sont consommées tous les ans dans le monde, dont presque 1 million de tonnes en France. D’ici à 2050, la Commission européenne estime qu’il pourrait répondre à 24 % des besoins énergétiques mondiaux.
L’hydrogène est cependant une source d’énergie secondaire dont la production demande beaucoup d’électricité. Autrement dit, son impact environnemental dépend de la source d’énergie utilisée pour le produire. Afin d’obtenir de l’hydrogène, il existe deux principaux processus, tous deux gourmands en énergie (il fait en moyenne de 55 kWh par kg d’hydrogène [1]) :
- Le vaporeformage, lors duquel du méthane est mélangé à la vapeur d’eau puis est chauffé à des températures très élevées (840 à 950 °C). La chaleur « brise » le gaz pour en libérer le dihydrogène. Cette méthode représente près de 95 % de la production d’hydrogène actuelle [2].
- L’électrolyse permet pour sa part la décomposition de l’eau en dioxygène et en dihydrogène. Concrètement, l’hydrogène (H) est séparé de l’eau (O) grâce à un courant électrique. Il est toutefois aujourd’hui loin d’être rentable – avec une perte énergétique de 30% selon l’ADEME.
Hydrogène et neutralité carbone : En France, le mix électrique est de l’ordre de 50 à 70 grammes de CO2 / kWh. Donc pour 1 kilo d’hydrogène, vous faites de l’ordre de 2,5 à 4 kilos de CO2. En Allemagne, c’est dix fois plus et en Chine vingt fois plus, avec presque 1 kg de CO2 par kWh produit. Au niveau mondial, une large adoption du nucléaire pour produire de l’hydrogène aurait un impact sensible sur nos émissions de CO2 : « Si, par exemple, seulement 4 % de la production actuelle d’hydrogène était d’origine nucléaire, cela entraînerait une réduction de 60 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone chaque année. Et si tout l’hydrogène devait être produit avec l’énergie nucléaire, alors nous parlons d’éliminer plus de 500 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an », d’après Ibrahim Khamis, ingénieur nucléaire senior à l’AIEA.
Le recours au nucléaire pour produire de l’hydrogène procure d’autres avantages :
L’électrolyse de l’eau fonctionne par exemple à des températures relativement basses d’environ 80°C à 120°C. Ce processus est sensiblement plus efficace en phase vapeur, ce qui requiert cependant des températures beaucoup plus élevées (d’environ 700°C à 950°C). Une électrolyse « vapeur », très efficace, pourrait ainsi être réalisée avec des réacteurs nucléaires avancées à haute température (HTR/VHTR).
En cas de production excessive d’électricité, l’excédent pourrait produire de l’hydrogène, car il est facile à stocker. Il pourrait être reconverti en électricité en cas de besoin, ce qui permettrait notamment de pallier l’intermittence des énergies renouvelables et de renforcer leur complémentarité avec le nucléaire.
En 2019, la compagnie russe Rosatom a lancé sa première initiative de production d’hydrogène utilisant des réacteurs nucléaires refroidis au gaz à haute température. L’initiative américaine H2@ Scale, portée par le ministère de l’Énergie (DOE) a rapidement suivi début 2020. Il examine la faisabilité de développer des systèmes d’énergie nucléaire qui produisent de l’hydrogène en tandem avec une électricité à faible émission de carbone.
Des évaluations de production d’hydrogène à partir de centrales nucléaires sont également en cours au Royaume-Uni, notamment menées par Energy Systems Catapult et EDF. La Commission européenne a par ailleurs inclus le nucléaire dans sa stratégie sur “l’hydrogène propre” en 2016. L’Europe veut ainsi produire les dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici à 2030.
[1] Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible (2019)
[2] Ibrahim Khamis – AIEA (2021)